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GAFAM, NATU, CAC40 et Fortune 500 : points communs et différences


Joel Plat - Market Leader in Retail

En quoi les GAFAM se distinguent-elles du CAC 40 et des NATU ? Voici quelques-unes des questions que Joël Plat et moi avons abordées au cours d’un entretien récent.

 

Présentation de Joël Plat

Joel Plat - Market Leader in Retail
Joel Plat – Market Leader in Retail

Joël PLAT, ex Market Leader Apple, Co-Directeur Master Marketing Distribution &Relation Client  Paris Dauphine, Professeur Innovation Sciences Po Paris. Expert du Retail, du Marketing et de la Relation Clients, pour Nintendo, Darty, Thomson ou encore Carrefour, Joël Plat devient Directeur Général Adjoint de Jardiland puis Directeur Exécutif des Opticiens Krys.

Il se consacre durant les 5 dernières années au développement des Apple Retail Stores Parisiens, comme Market Leader. Joël est également membre du Comité Stratégique de l’Observatoire ComMedia, il conseille des fonds d’Investissement pour leur stratégie de prise de participations.

Professeur Associé, Co-Directeur du Master Marketing, Distribution et Relation Client de l’Université Paris Dauphine et intervenant à l’Ecole du Management et de l’Innovation de ScPo Paris, Joël Plat y enseigne l’Innovation Produits

GAFAM et CAC 40 : points communs et différences

 

Avant d’entrer directement dans le sujet, précisons que les GAFAM ne se limitent pas à Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft puisqu’elles comprennent également d’autres acteurs de l’électronique tels que Samsung et Huawei.

 

Le point commun entre GAFAM et CAC 40 provient de la taille des organisations. Les GAFAM sont valorisées à 4,1 mille milliards de dollars en juillet 2018 tandis que le CAC 40 atteint plus 1,8 mille milliards de dollars.

 

Mais, en vérité, on trouve aussi beaucoup de divergences :

  • D’une part, ces deux groupes d’entreprises se différencient par leur âge moyen. Celui-ci est de l’ordre de 105 ans pour le CAC 40 et d’une vingtaine d’années pour les GAFAM.
  • D’autre part, la relation aux fondateurs paraît distincte. Dans le cas des GAFAM, la figure du fondateur semble omniprésente même si celui-ci s’est retiré des affaires. Chez Apple, Steve Jobs demeure très présent. Chez Facebook, Mark Zuckerberg joue aussi un rôle primordial. En revanche, au sein du CAC 40, de telles références restent plus discrètes. Les organisations du CAC 40 fonctionnent de manière autonome et indépendante relativement à leurs créateurs.
  • Enfin, CAC 40 et GAFAM se distinguent par leur présence dans la vie des consommateurs. Alors que le CAC 40 se concentre sur un marché spécifique, les GAFAM sont habitées d’une volonté transversale. Multisectorielles, elles désirent se déployer tout autant dans les foyers que dans les entreprises partout dans le monde.

Regardons désormais les GAFAM et les NATU.

 

GAFAM et NATU : points communs et différences

Les NATU comprennent quatre entreprises Netflix, AirBnB, Tesla et Uber.

La relation au fondateur

Tout d’abord, l’âge moyen de ces deux groupes reste très différent. Les GAFAM ont à peine plus d’une vingtaine d’années tandis que les NATU paraissent encore plus récentes. À titre d’exemple, Netflix naît 1997 ; Airbnb en 2008 ; Uber en 2009 ; Tesla en 2003.

Joël estime que les organisations traditionnelles fonctionnent de façon autonome sans se référer aux fondateurs tandis que les GAFAM ressentent le besoin de se référer aux leurs même si celui-ci s’est retiré des affaires. Dans le cas des NATU, cette relation paraît plus fusionnelle. En effet, ces entreprises peinent à se développer lorsque leurs fondateurs éprouvent des difficultés à l’image d’Elon Musk chez Tesla ou de Travis Kalanick chez Uber. Autrement dit les NATU voient leur potentiel miné à mesure que leurs créateurs perdent la main. Ces startups très récentes ne parviennent pas à former des disciples permettant d’assurer la pérennité de leur vision.

 

Au-delà de la question du fondateur, GAFAM et NATU se distinguent aussi par leur modèle économique.

 

Le modèle économique

En vérité, la plupart des GAFAM exploitent un modèle économique très classique à l’exception sans doute d’Amazon. Apple conçoit, fabrique et distribue des produits physiques et tangibles comme l’iPhone, l’iPod la Watch et le Mac. Mais, la croissance et la profitabilité proviennent non pas du produit mais de l’écosystème. Aujourd’hui, beaucoup de clients et de consommateurs choisissent Apple en raison de la qualité des applications tierces : elles semblent plus stables, plus fluides. Les détenteurs de Mac savent bien que l’expérience d’utilisation demeure supérieure à celle d’un PC. Apple réinvestit son capital pour disrupter des marchés qui gagneraient à être digitalisés et dont le cœur d’activité reste proche.

D’autre part, les GAFAM ont démontré une capacité à observer des modèles économiques rentables, à s’en inspirer et à les déployer à l’échelle mondiale. À titre d’exemple, Google a racheté YouTube et Android. Amazon a inventé AWS (Amazon Web Services) pour traiter ses propres besoins informatiques avant de se rendre compte qu’il venait de pénétrer un marché très prometteur. Microsoft a créé le cloud Azure.

 

La relation aux clients

Il faut néanmoins souligner que les GAFAM restent très différents entre eux. Car, en effet, Apple estime que son client n’est pas le produit alors que Facebook et Google transforme leurs clients en produits. Peut-être quelques mots d’explication : Facebook et Google offrent leurs services gratuitement au consommateur final. Mais, ils exploitent l’utilisation de leurs services pour caractériser leurs consommateurs selon leur goût, leur origine, leurs besoins. Ils vendent ensuite cette information à des entreprises qui souhaitent toucher une population particulière pouvant acheter leurs produits.

 

De ce point de vue, on voit bien que les lois antitrust ne visent pas Apple mais plutôt Google, Facebook et Twitter. Car, ces entreprises sont devenues un média. Or, comme le souligne Joël, quiconque détient le média conquiert le pouvoir.

 

À l’inverse, les NATU présentent une plus grande homogénéité des modèles économiques. Uber, AirBnB, et Netflix ont tous les trois recours au modèle économique de la plate-forme. Tesla se distingue des autres parce qu’il se concentre davantage sur la fabrication du produit automobile. D’une certaine manière, il tendrait vers un modèle GAFA avec l’enjeu de maîtrise de l’écosystème « batteries » qu’il souhaite développer pour l’industrie au-delà de l’automobile. De même Hyperloop et SpaceX forment des activités liées à l’innovation mais pas dans le coeur de métier de Tesla.

 

La position concurrentielle

La position concurrentielle des NATU paraît sans doute plus fragile que celle des GAFAM. Ces entreprises disruptrices pourraient très bien se faire disrupter à leur tour. À titre d’exemple, on une multitude d’applications mettent en relation conducteurs et passagers, à l’image d’Uber : Taxify et chauffeur privé, notamment. Dans le domaine de l’hôtellerie, AirBnB se voit concurrencé par Onefinestay, JoeandJoe et Abritel. Netflix est en concurrence avec Molotov, une « catch-up TV » disposant de capacité de stockage qui permet de regarder la télévision en rediffusion.

À l’inverse, les GAFAM paraissent plus solidement ancrés dans leurs marchés respectifs. Bernard Arnaud évoque souvent que LVMH semble plus pérenne que les GAFAM notamment parce que le leader du luxe n’est pas soumis à des cycles technologiques qui rabattent le partage de la valeur. Mais en vérité, si Facebook et Apple pourraient se trouver disruptés, il semble, selon Joël, que le moteur de recherche Google est devenu indispensable, au point que lorsque Renault réfléchit à l’intelligence embarquée pour ses véhicules, le constructeur choisit Google contre Qwant.

 

L’environnement, un point de fragilité

 

Quoi qu’il en soit, à court terme, les entreprises vont devoir affronter un point de fragilité largement sous-estimé : celui de l’environnement. La production, la gestion et l’archivage de données entraînent un coût environnemental très élevé. Refroidir les « data center » engendre une consommation électrique à peu près équivalente à celle d’une ville comme Nantes. L’empreinte environnementale des GAFAM ne va pas manquer de défrayer la chronique à mesure que les impératifs écologiques s’imposent dans le débat politique. À cela s’ajoute la blockchain, une technologie d’authentification novatrice, qui demeure encore plus gourmande en énergie que les outils digitaux qui l’ont précédé. Certaines études estime que dans les deux prochaines années, la consommation d’énergie devrait doubler ; celle des GAFAM devrait être de quatre à cinq fois supérieure en 2020 à ce qu’elle fut en 2010.

 

 

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