Voici une question que j’ai été amené à me poser lorsque j’ai déjeuné avec David Guiraud, Associé de Media Consulting Group, anciennement CEO du Groupe Les Echos, puis Vice-Président du Groupe Le Monde.
I/ La vocation de l’entreprise
David m’a indiqué, pour commencer, que la vocation d’une entreprise, c’est « persévérer dans l’être ». Autrement dit, la vocation de l’entreprise est de perdurer comme elle est, telle qu’elle est, avec ses clients telles qu’ils sont, avec ses collaborateurs compétents comme ils le sont, avec ses méthodes de production telles qu’elles sont et avec ses fournisseurs tels qu’ils sont. Autrement dit, la vocation de l’entreprise c’est de se répliquer elle-même dans le temps.
II/ L’innovation est parfois mécomprise : l’innovation, ce n’est pas la R&D
Par ailleurs, beaucoup de Directions Générales, selon David Guiraud, estiment que l’innovation veut dire investir un pourcentage déterminé du chiffre d’affaires dans la R&D. Mais, en faisant cela, on confond R&D et innovation. Là, où la R&D a pour vocation sans doute d’améliorer l’offre produits existants, l’innovation, a pour vocation d’améliorer la tâche que les clients cherchent à accomplir. Derrière cette distinction, il y a quelque chose de tout à fait fondamentale. En effet, une équipe de R&D est constituée de compétences techniques précises. Ces compétences de l’équipe R&D sont détenues par des personnes précises de l’équipe R&D. Et si ces personnes font partie de l’équipe, c’est qu’il a été décidé de les recruter et donc d’internaliser ce domaine d’expertise au sein de l’entreprise. Or, très souvent, ces expertises technologiques qui ont été développées par l’équipe de R&D a pour vocation d’améliorer l’offre qui existe déjà.
Donc, investir un pourcentage du chiffre d’affaires dans l’équipe de R&D, c’est un investissement qui sera faite dans les domaines d’expertise qui sont ceux de l’équipe R&D, à moins que celle-ci ne décide de recruter ou de recourir à des compétences externes. C’est pourquoi, investir dans la R&D c’est, le plus souvent, améliorer ce que l’entreprise sait déjà faire.
III/ La vocation de l’innovation, c’est de traiter des tâches à accomplir
Or, selon David Guiraud, l’innovation ce n’est pas simplement l’amélioration de l’offre produit telle qu’elle existe déjà. L’innovation, c’est fondamentalement, améliorer la tâche ou les tâches que les clients de l’entreprise ont à accomplir et pour laquelle ils choisissent de recruter des produits ou services de l’entreprise. La question des tâches à accomplir est sujet que j’ai évoqué en de multiples occasions sur ce blog, notamment ici et là.
IV/ L’innovation se décline de trois façons différentes
En réalité, l’innovation c’est quelque chose qui comporte trois niveaux différents. En effet, Clayton Christensen, un professeur d’innovation et de stratégie à la Harvard Business School, considère que l’innovation se décline de trois façons différentes. A partir de ce schéma, David Guiraud conseille les Directions Générales d’avoir :
- 70 % de leur projet d’innovations sous forme d’innovations incrémentales
- 20% de leurs projets d’innovations sous une forme d’une évolution de leurs offres produits
- 10% de leurs innovations sous forme d’innovations de rupture.
David Guiraud accompagne les Directions Générales et l’encadrement dans leur processus de transformation sachant que l’innovation, premier levier de croissance aujourd’hui, est une démarche structurée dont la matrice de Christensen n’est que l’amorce. L’innovation est une démarche globale qui engage très fortement le top management pour lequel l’innovation doit devenir une priorité stratégique tant en terme d’investissement financier qu’en temps.
V/ Créer une culture d’innovation
Une fois que il y a un consensus sur le sens et sur la typologie de l’innovation, alors David Guiraud accompagne les entreprises vers une transformation culturelle pour créer une culture d’entreprise plus propice à l’innovation. Pour cela, il associe les collaborateurs de l’entreprise à la démarche innovation notamment par le biais de l’innovation participative. Ceci peut prendre différentes formes et il n’est pas forcément utile, à ce stade, de tout détailler. Mais, peut-être pour donner quelques exemples, est-il utile, de mentionner qu’il faut proposer aux salariés :
- de ne faire que des projets d’innovation sur une plage de temps précise (par exemple 3 à 6 mois)
- de disposer de 20 % de leur temps pour travailler sur des projets d’innovation pour une période précise par exemple de trois mois, à l’image de Google
Mais, ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est d’accorder trop de temps à l’innovation.
L’innovation, pour réussir, doit être contrainte, selon Dave Blakely, Directeur chez IDEO, en charge la stratégie technologique. Donc, créer les conditions pour une culture d’innovation demande aux dirigeants et d’imaginer un ensemble de systèmes de contraintes qui devraient permettre à l’innovation d’éclore.
Selon David Guiraud, les contraintes jouent effectivement un rôle très important dans le management de l’innovation. N’était-ce pas Léonard de Vinci qui disait : “tout contrainte m’est grâce”?
Voici dans les grandes lignes comment on peut créer une culture d’innovation. Evidemment il y a beaucoup plus à dire sur ce sujet, mais les éléments ci-dessus apportent quelques éclairages sur un sujet qui mériterait d’être approfondi.
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