Pourquoi assiste-t-on à l’émergence de l’intelligence artificielle aujourd’hui ? Et, avant même de poser une telle question, comment la définir ? En outre, le traitement automatique du langage est souvent considéré comme l’une des réussites probantes : pourquoi ? Et pourquoi les entreprises y ont-elles recours ? Pour résoudre quels problèmes ? Quels bénéfices en tirent-elles ? Voici quelques-unes des questions que j’ai évoquées avec Vincent Perrin, responsable technique de la suite logicielle d’IBM Watson.
I/ Présentation de Vincent Perrin
Vincent s’occupe de tous les aspects techniques des offres IBM Watson AI pour la France. La plate-forme d’intelligence artificielle de Watson offre toutes les capacités nécessaires pour aider les entreprises à développer des applications cognitives utilisant la compréhension du langage naturel, la reconnaissance visuelle, l’interaction humaine (textuelle, vocale) et pour permettre aux spécialistes des données (« data scientists ») de construire, entraîner et mettre en place des modèles d’apprentissage statistique.
I/ Pourquoi l’intelligence artificielle ?
Depuis les années 60, elle fait rêver de nombreux innovateurs, inventeurs, investisseurs, hommes d’affaires et décideurs politiques. On imaginait d’ailleurs vaincre l’Union soviétique grâce à ces prouesses. Pourtant, les déceptions se lits avec clarté au point que l’on parle de trois hivers :
- l’un a eu lieu dans les années 60,
- l’autre dans les 70,
- un dernier à la fin des années 80.
Mais, aujourd’hui, l’arrivée à maturité de trois technologies lui assure un élan. On évoque un « printemps » de l’intelligence artificielle :
- D’une part, l’amélioration de la puissance de calcul démultiplie le nombre d’opérations qui sont effectuées chaque seconde.
- D’autre part, l’abondance de données, notamment grâce au cloud met à disposition des ressources informationnelles beaucoup plus importantes.
- Enfin, les progrès de l’apprentissage statistique — ce que l’on appelle parfois le Machine Learning — constituent une nouvelle approche très féconde.
Mais, l’effervescence autour de l’intelligence artificielle se nourrit de cas d’usage donnant lieu à des résultats probants, vérifiables et à forte valeur ajoutée.
III/ Quels cas d’usage ?
Premier cas d’usage : traiter les emails des clients
Ainsi, le Crédit Mutuel a travaillé avec IBM pour traiter de l’ordre de 350 000 emails par jour provenant des clients. L’outil évalue l’urgence du besoin tout en donnant des pistes contextuelles aux conseillers clientèle afin de les aider à répondre au mieux à la demande.
Mais pour que de tels projets puissent vraiment prendre leur essor, il est déterminant que les collaborateurs se l’approprient. Il s’agit d’améliorer la qualité du moteur de l’intelligence artificielle, notamment en validant la pertinence de ses recommandations.
Deuxième cas d’usage : un assureur met à disposition de ses collaborateurs, un assistant virtuel pour finaliser certains contrats.
L’entreprise compte entre 20 000 et 25 000 collaborateurs, ce qui donne une idée du volume d’informations à traiter. Depuis la crise de 2009, les réglementations ne font que s’étoffer ce qui complexifie grandement les tâches administratives.
Troisième cas d’usage : une startup américaine aide les contribuables américains à régler leurs impôts.
Pour le lecteur français, une telle application pourrait paraître superflue. Mais, étant moi-même de nationalité américaine, je puis vous assurer que le trésor public américain ne manque pas d’imagination administrative.
Quatrième cas d’usage : l’analyse automatique des images
L’intelligence artificielle a également progressé en matière de reconnaissance d’images. On ne compte plus les diagnostics médicaux qui mettent en compétition un médecin humain avec l’IA. Récemment, en Chine, on s’est aperçu que des cancérologues professionnels établissaient un diagnostic moins juste.
On utilise aussi l’analyse d’images pour l’inspection visuelle notamment de sites industriels. J’en ai d’ailleurs parlé beaucoup avec Madame Colette Lewiner, membre du conseil d’administration d’EDF.
Enfin, on a recours également à l’analyse d’images dans le cas d’accident de voiture. L’IA, sur la base d’une photo reconnaît, tous les composants de l’automobile. Et, pour chacun de ceux-ci, elle détermine si celui-ci est brisé. Le consommateur obtient un coût de réparation suite à un accrochage seulement quelques secondes après l’occurrence de celui-ci.
IV/ Qu’est-ce qu’on entend par l’intelligence artificielle ?
Traditionnellement, on considère que l’intelligence artificielle comprend trois grands ensembles :
- la logique symbolique, c’est-à-dire l’application automatique de règles.
- La robotique simulant le corps humain nécessaire à la mobilité,
- le « Machine Learning ».
- D’une part, le « Deep Learning », c’est-à-dire l’apprentissage profond s’appuyant sur des réseaux neuronaux.
- D’autre part, l’algorithmique classique.
V/ Pourquoi le traitement automatique du langage ?
Selon Vincent Perrin, le traitement automatique du langage répond en fait a un problème très simple : 80 % de la donnée des entreprises demeure non structurée. Celle-ci est décrite sous forme de texte, notamment dans des rapports financiers, des PowerPoint, des PDF ou bien dans les emails. Comment l’entreprise peut-elle apprendre de l’information qui circule en son sein ? Comment automatiser notre compréhension de tout ce qui est écrit et non structuré ?
De ce point de vue là, le cas d’usage du Crédit Mutuel évoqué ci-dessus paraît tout à fait pertinent. En effet, selon Nicholas Théry, le PDG du Crédit Mutuel, l’entreprise a économisé 200 000 jours-personnes. Elle a également aidé ses conseillers à devenir « augmentés ». Là où autrefois, ils pouvaient être accaparés à réaliser des démarches administratives. Aujourd’hui, ils ont davantage de temps pour leurs clients.
Comme indiqué ci-dessus, depuis la crise de 2009, le gouvernement Obama a mis en place une série de nouvelles réglementations qui ont accru la complexité administrative de l’ordre de 30 à 40 % selon Goldman Sachs. En outre, les clients, plus informés qu’ils ne le furent autrefois, acquièrent une expertise sur le sujet qui les intéresse avant de se rendre dans leur agence bancaire. Par conséquent, le conseiller clientèle doit se montrer d’autant plus compétent.
À l’issue de ce projet de traitement automatique du langage, les employés du Crédit Mutuel considèrent, pour 80 % d’entre eux, que cet outil augmente leur satisfaction au travail. On voit bien là que l’objet n’est pas de remplacer l’Homme par la Machine, mais plutôt de l’aider au quotidien.
Autre exemple : Autodesk, une entreprise de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) souhaite passer d’un modèle de licence à un modèle de « software as a service » (SaaS), c’est-à-dire de services logiciels. Ce changement entraîne davantage d’appels clients au service après-vente de l’ordre de 20 %. Autodesk ne pouvait pas engager une telle transformation sans se préparer à l’augmentation inéluctable du nombre d’appels clients. L’entreprise se tourne vers le traitement automatique du langage. Et, le temps de résolution s’est réduit de deux jours à cinq minutes. Voilà indicateurs de réussite probants.
VI/ Comment mettre en place un projet de traitement automatique du langage ?
Selon Vincent Perrin, un tel projet comporte quatre grandes étapes.
D’abord, le client ainsi qu’un expert en matière de traitement automatique du langage identifient un processus industriel à réinventer. Il s’agit ici, bien évidemment, de l’expertise du client puisque celui-ci doit trouver le processus pertinent à changer.
Ensuite, le client et l’expert définissent des critères de réussite du process novateur.
De plus, un premier MVP (« Minimum Viable Product ») est conçu. Celui-ci répond à un triple objectif :
- Valider la finalité industrielle de la démarche.
- Vérifier que l’industrialisation de l’outil d’intelligence artificielle est possible
- S’assurer que chacun s’approprie le nouvel outil.
Dans cette troisième phase, une équipe diversifiée est mise en place avec des consultants fonctionnels, des ingénieurs et des intégrateurs pour insérer le moteur d’intelligence artificielle au sein du système d’information de l’entreprise.
Enfin, on assiste à l’industrialisation de la solution. Et puis, le temps passant, la présence des experts externe se raréfie puisque le client devient autonome.
En général, entre 8 et 12 semaines sont requises pour les trois premières étapes du processus. Cette durée prend en compte les six semaines qui sont nécessaires à la création du MVP (« Minimum Viable Product ») et du moteur d’intelligence artificielle.
Voici donc un aperçu global de l’IA : son évolution, ses cas d’usage les plus probants, et la valeur qu’elle peut apporter aux dirigeants de l’entreprise.
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