Valoriser les technologies à court terme peut se réduire à “prolonger les courbes” déjà à l’oeuvre aujourd’hui, en supposant, ici où là, quelques éléments de discontinuités. Valoriser les technologies dans un horizon plus lointain paraît toutefois plus délicat. Comment procéder ?
I/ Analyse de l’offre actuelle : opportunités et freins de la réalité virtuelle et de réalité augmentée
Se projeter à moyen terme demande dans un premier temps de regarder l’offre existante.
Premier enjeu : capacité de calcul et miniaturisation
Aujourd’hui, les casques à réalité virtuelle souffrent d’un certain nombre de lacunes technologiques. Par exemple, les casques et réalités virtuelles aujourd’hui sont trop encombrants, sans doute un peu trop lourds, et trop onéreux. De plus, la capacité de calcul embarqué reste insuffisante si bien qu’il y a un décalage entre le mouvement de l’utilisateur et l’image qui s’affiche à l’écran. Ce décalage pourrait n’être qu’un détail mais la persistance d’une telle latence est de nature à donner une sorte de nausée à l’utilisateur ce qui dégrade l’expérience.
Donc, le premier enjeu est un enjeu de puissance de calcul. D’ici 2025, les constructeurs seront-ils capables d’accroître de manière significative la puissance de calcul embarqué ?
Deuxième enjeu : la connectivité.
Aujourd’hui, les casques à réalité virtuelle requièrent d’être connectés à une console de jeux vidéo ou bien un ordinateur de bureau externe. En effet, les besoins de calcul sont tellement élevés qu’ils sont réalisés par une capacité de calcul externe laquelle communique les résultats par le biais d’une connexion filaire entre le casque et la capacité de calcul déportée. Il y a ici un enjeu de connectivité : le débit aura-t-il suffisamment progressé d’ici 2025 pour que ces données soient partagées sans fil ?
Troisième enjeu : la mobilité.
Si les Smartphones se sont durablement initiés dans notre quotidien c’est parce qu’il dispose d’une batterie suffisamment autonome pour n’être rechargé que pendant la nuit, au moment où le consommateur est inactif. Mais il est évident que si le consommateur devait toujours recharger son Smartphone et que celui-ci devait toujours être connecté à une prise murale, alors le taux de croissance des Smartphones aurait été beaucoup plus faible. De là, l’enjeu de l’autonomie de la batterie. Aujourd’hui, les casques à réalité virtuelle disposent de batteries qui ne sont guère suffisantes en matière d’autonomie. Il faudrait donc que les batteries deviennent plus autonomes d’ici 2025 pour assurer une réelle mobilité aux utilisateurs.
Une fois que ces enjeux technologiques ont été identifiés, Goldman Sachs se réfère à d’autres paradigmes informatiques qui ont dû, eux aussi, composer avec les mêmes enjeux technologiques. Trois produits paraissent pertinents : le smartphone, l’ordinateur, et l’ordinateur portable.
II/ Recourir au passé pour anticiper le futur : élaboration de scénarios à moyen terme (2025)
Comme pour les projections à court terme, on élabore pour le moyen terme trois scénarios distincts.
A/ En 2025, l’expérience de la réalité virtuelle est de qualité mais les capacités de mobilité sont réduites
Le premier scénario est un scénario qui est fondé sur le taux d’adoption de l’ordinateur portable. On suppose que d’ici 2025, les casques à réalité virtuelle offrent une expérience exceptionnelle notamment en termes de puissance de calcul, en termes de qualité d’image, et en termes de vitesse d’affichage de l’image à l’écran. L’utilisateur se sent immergé dans un monde virtuel. Cette expérience visuelle est tellement forte qu’il a l’impression d’être coupé de la réalité. Seulement, on suppose qu’un certain nombre de problèmes technologiques n’ont pas encore trouvés de solution. Par exemple, les casques à réalité virtuelle, requérant un débit de données très important, ont encore besoin d’être connectés à un ordinateur ou bien une console de jeux vidéo. Dans ce cas-là, le consommateur ne peut pas faire l’expérience de la mobilité. Il est en quelque sorte restreint à une mobilité qu’on pourrait qualifier de stationnaire, à l’image, par exemple, d’un utilisateur qui jouerait dans son salon. De la même manière, les batteries ne sont pas encore suffisamment autonomes et ne permettent pas de débrancher le casque de réalité virtuelle d’une prise d’électricité pendant très longtemps. De nouveau la mobilité réduite. Par conséquent, pour bâtir le scénario d’adoption de base, on s’inspire des taux de croissance de l’ordinateur portable, lequel offre également une expérience utilisateur satisfaisante mais souffre d’une mobilité réduite. Le taux de croissance de l’ordinateur portable sont de l’ordre de 20 à 25 %. On applique ce taux de croissance au scénario de base que nous avons laissée en l’an 2020 et c’est ainsi que l’on parvient à la valeur pour 2025.
B/ En 2025, la réalité virtuelle s’impose comme un paradigme dominant
Le second scénario s’appuie sur le taux de croissance du Smartphone. Le Smartphone, à l’inverse de l’ordinateur portable, connaît une mobilité très grande notamment grâce à des batteries puissantes qui permettent à l’utilisateur de s’en servir toute la journée et aussi, grâce à une connectivité à Internet de qualité qui permet à l’utilisateur de consulter ses e-mails, d’écouter de la musique, de regarder des vidéos. On imagine, d’ici 2025, que les constructeurs ont trouvé la solution à l’autonomie des batteries et à l’enjeu de la connectivité du casque à réalité virtuelle. Dans ce cas-là, on applique notre croissance de Smartphone à celui du casque à réalité augmentée. On applique donc un taux de croissance de l’ordre de 40 à 45 % au scénario de base pour 2020. Ce deuxième scénario montre comment le casque à réalité virtuelle pourrait devenir la prochaine plate-forme informatique qui viendrait prendre le relais du cloud, du Smartphone, et de l’ordinateur portable.
C/ En 2025, la réalité virtuelle peine encore à s’imposer, du fait de difficultés technologiques multiples
Le troisième scénario s’appuie sur le taux de croissance de l’ordinateur. Celui-ci a connu les difficultés du fait de capacité de calcul insuffisante, d’une mobilité très réduite, et d’une connectivité à Internet relativement faible. On imagine alors que le casque à réalité virtuelle souffre des mêmes freins technologiques. On applique donc un taux de croissance comprise entre 7 et 10 pour cent au scénario de base de l’an 2020.
Ainsi, on voit que les éléments qui vont déterminer le taux de croissance de la réalité virtuelle sont également de nature technologique. Il s’agit de la mobilité, la connectivité et de la puissance de calcul.
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[…] À ce stade, j’ai fait part à Emanuele de ma surprise. Dans le cadre de la rédaction de mon dernier livre, j’ai comparé les rapports d’innovation américain avec ceux de l’Europe. Ce qui m’a le plus frappé, notamment lorsque l’on se penche sur les rapports technologiques de Goldman Sachs, c’est la qualité de la réflexion sur la création de valeur. En effet, l’effort porte sur l’identification de cas d’usage innovant, l’analyse de la structure industrielle établie, la définition d’hypothèses de disruption et la quantification de création de valeur. À cette réflexion s’ajoute, un certain nombre de scénarios de création de valeur à moyen terme. Par exemple, dans le rapport portant sur la réalité virtuelle, il est question de 3 scénarios de création de valeur d’ici 2025. […]