Alors que plusieurs pépites du numérique connaissent des croissances exponentielles, certains grands groupes lorgnent du côté des start-up pour puiser des idées innovantes.
Des stratégies d’ouverture alors même que le ministre de l’Economie a annoncé, à travers son projet de loi « Noé », chercher à créer un terrain favorable à l’innovation et à la transformation numérique.
« L’une des ambitions de notre plan stratégique Essentiel 2020 est de continuer de développer et d’accompagner 500 start-up d’ici 2018. » Pour Pierre Louette, directeur général délégué d’Orange, « innover est essentiel dans notre démarche. » Le groupe a déjà investi plus de 500 millions d’euros via ces différents dispositifs de soutien aux jeunes pousses et disposait, à fin juin 2015, d’un portefeuille de près de 700 brevets actifs, une partie étant issue de recherche avec des partenaires, dont des start-up. « Nous estimons important d’articuler l’innovation interne à un foisonnement externe, interagissant avec nous », commente Pierre Louette.
Une stratégie que le leader des télécoms n’est pas le seul à adopter. Air France est l’un des membres fondateurs du Welcome City Lab, un incubateur dédié à l’innovation dans le tourisme. Dans ce cadre, une start-up française, Ubleam, expérimente son produit de technologie embarquée sur le vol « Lab Line », reliant chaque semaine Toulouse à la capitale. La jeune entreprise d’une dizaine de salariés a mis au point un système de réalité augmentée permettant de guider un passager jusqu’à son avion : le voyageur scanne son billet et l’application lui indique le numéro de la porte, flèche le chemin jusqu’à l’embarquement.
Savoir-faire de jeunes structures disruptives. Orange et Air France, deux grands groupes, font donc le pari de s’enrichir du savoir-faire de jeunes structures disruptives. « La clé consiste à intégrer au sein même de sa proposition de valeurs, la créativité venue de l’extérieur », commente Guillaume Villon de Benveniste, consultant en innovation et auteur de Les secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley : innover pour devenir leader (Eyrolles). « On assiste à une multiplication des labs et incubateurs au sein de grandes entreprises françaises, » ajoute ce conférencier à Centrale Paris, citant BNP Paribas, Crédit Agricole, Air Liquide ou Orange. Cette dernière a accéléré, à travers « Orange Fab », 145 start-up depuis 2013. Le groupe a aussi lancé en janvier 2015 Orange Ventures, un véhicule d’investissement. « Je ne m’interdis pas d’investir dans des sociétés qui pourraient représenter une menace. Il vaut mieux être dedans que de subir », assure Pierre Louette.
Cette position rejoint l’analyse de Guillaume Villon de Benveniste : « L’innovation doit être portée au plus haut niveau de l’entreprise. Sans cela, les sociétés françaises risquent de continuer à voir leurs positions concurrentielles se dégrader au profit de start-up californiennes à la croissance fulgurante. Il y a seulement cinq ans, qui aurait pu prédire qu’Uber s’imposerait dans les plus grandes villes du monde comme un acteur majeur du transport de personnes ? » Et de citer l’exemple d’une entreprise qui a su intégrer des innovations disruptives en son sein : « Le système de l’App Store fédère aujourd’hui une communauté de près de 300 000 développeurs ayant créé 1,21 million d’applications », explique cet expert. « Résultat : la firme de Cupertino s’arroge près de 90 % des parts de profits en vendant moins de 20 % des smarphones dans le monde. »
Prendre appui sur les atouts découlant de l’innovation plutôt que de les redouter, c’est le cadre dans lequel s’inscrit le projet de loi sur les « nouvelles opportunités économiques, baptisé Noé et porté par Emmanuel Macron. « Notre approche est très axée sur l’économie existante et sa transformation, commente-t-on au ministère de l’Economie. Il s’agit de créer, à partir des progrès induits par l’innovation et les évolutions sociétales, un socle pour que la France tire profit de ces changements en termes de croissance ». Et d’ajouter : « L’idée est de faire travailler ensemble des acteurs qui n’ont pas l’habitude d’échanger. Le ministre a notamment demandé aux acteurs de l’industrie de mieux travailler avec les écoles d’ingénieur. »
Claire Bauchart
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