En l’espace de quelques années, Free a bousculé le marché des télécoms. Comment est-il parvenu à prendre des positions sur un marché déjà préempté par des acteurs établis ?
I/ Sur le marché du mobile, Free est parvenu à capturer un segment que les opérateurs établis avaient délaissé
Prenons pour exemple le cas de ma soeur. Ma sœur est une fille urbaine. Elle vit et elle travaille à Paris. Comme elle aime beaucoup Paris, elle ne cherche pas à se déplacer beaucoup non plus. Par ailleurs, ma sœur n’est pas du tout technophile. Elle ne s’intéresse pas aux téléphones portables et ne cherche pas à obtenir le dernier sur le marché. Pour elle, ce qui compte, c’est tout simplement parler à ses amis.
Or, lorsque Free a mis sur le marché son offre low cost, ma sœur a fait partie des premières personnes à prendre cette offre.
À l’évidence, l’offre de Free était très séduisante pour ma sœur. Le prix était bas. Ma sœur, qui ne s’intéresse pas tellement aux téléphones, ne devait plus payer le remboursement d’un téléphone onéreux. Mais, il est vrai que le réseau de Free est moins performant que celui des acteurs établis tels qu’Orange, SFR et Bouygues Télécom. D’ailleurs, à titre d’exemple, le téléphone portable de ma sœur ne capte pas à son domicile, alors même qu’elle habite en plein centre de Paris.
Mais, ma sœur n’a pas nécessairement besoin d’un réseau disposant d’une couverture sur l’ensemble du territoire national. Elle est donc beaucoup moins sensible aux promesses de tel ou tel opérateur garantissant une couverture de 90 % ou 95 % du territoire national.
D’où la question suivante : en investissant autant sur l’amélioration, les acteurs établis ne se sont-ils pas coupés d’un certain segment de consommateurs qui sont moins exigeants sur la qualité du réseau et plus sensibles au prix ?
La réponse paraît être affirmative. Les entreprises comme Orange, SFR et Bouygues Télécom sont très technophiles. Elles cherchent à développer les meilleurs produits, même si ceux-ci sont plus chers que les produits concurrents.
II/ Sur le marché de l’internet fixe, Free a ciblé une clientèle différente
Pourtant, en parallèle, c’est sur d’autres marchés tels que l’Internet fixe, que l’on peut constater une différence de positionnement entre les acteurs établis des télécoms et Free. Free vient, à l’origine, du Online.
Xavier Niel a démarré dans le Minitel. Par conséquent, pour Free, commercialiser l’Internet et la Livebox, ne pouvait se faire que online.
C’est là une première différence avec les acteurs établis, dont certains disposent d’un réseau de boutiques conséquents (plus de 2500 boutiques chez Orange, par exemple). Cette différence de choix du canal de distribution a beaucoup de conséquences. Ainsi, sur le site en ligne de Free, on voit que tout est tourné pour que le client puisse trouver lui-même les solutions à ses problèmes. Cela est très différent de ce que l’on trouve dans les boutiques des opérateurs historiques où un personnel compétent technique et commercial est au service du client pour l’aider à répondre à ses questions.
En outre, là où, sur le téléphone portable, Free cible une clientèle qui n’est pas technophile et qui est surtout sensible au prix, sur l’Internet fixe, le positionnement est très différent. Free cible les clients technophiles. La box de Free a d’ailleurs pendant longtemps été considéré comme la meilleure du marché en France.
Alors, comment se fait-il qu’une entreprise comme Orange, qui a tant misé sur l’innovation, ne s’est pas montrée capable de se prémunir ou d’anticiper l’arrivée de Free sur ces marchés ?
En réalité, le marché de l’Internet fixe et celui du mobile sont des marchés très différents.
- Le marché du mobile est un marché réglementé où il y a un nombre de licences à disposition qui est limité.
En l’occurrence, il y en avait trois et Free s’est acheté une quatrième licence à un prix bien inférieur à ce qui a été consenti aux autres opérateurs.
Par conséquent, le marché du téléphone mobile est oligopolistique : il y a peu d’acteurs. Et dans ces conditions, la concurrence n’étant pas très forte, les acteurs du marché ont tendance à augmenter les prix. Ceci entraîne des marges très fortes. Celles-ci sont conservées tant que la barrière à l’entrée est maintenue. Mais lorsque cette barrière à l’entrée est brisée, lorsqu’une quatrième licence est acquise, alors le nouvel entrant attaque les marges des acteurs de l’industrie. Ceci explique pourquoi l’entrée de Free sur la téléphonie mobile s’est fait sur une gamme de prix très basse.
- À l’inverse, sur le marché de l’Internet fixe, il n’y avait pas de licence ni de barrière réglementaire à l’entrée.
Les marges étant par conséquent plus faibles, l’entrée de Free sur ce marché ne s’est pas faite par des prix plus bas que la concurrence. L’entrée de Free s’est faite avec un produit qui est de très bonne qualité d’un point de vue technique et même d’un point de vue ergonomique. Ainsi, la Freebox a longtemps été considérée comme une référence dans les cercles technophiles. En outre, en ayant recours aux services de l’ergonome et designer français Philippe Starck, Xavier Niel s’est assuré que la FreeBox soit bien conçue.
Voici donc les mécanismes industriels qui ont permis de décliner l’avantage concurrentiel d’une façon différente.
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Lectures complémentaires :
- Pour en savoir plus sur les ruptures dans le marché des télécoms et de l’IT d’ici 2020, veuillez vous référer à ce billet
- Pour une analyse de Luc Bretones sur Comment améliorer l’efficacité de l’innovation pour accélérer la croissance ?, veuillez vous référer à ce billet
- Pour savoir si la TV connectée est une opportunité ou une menace pour les opérateurs télécoms, veuillez vous référer à ce billet
- Enfin, pour comprendre comment Free a utilisé l’innovation de rupture, veuillez vous référer à ce billet