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La “e-santé” est une opportunité d’innovation, selon Guillaume Sarkozy, PDG de Malakoff Médéric


La question du patient connecté est couramment évoquée, notamment dans la presse. Il s’agit de capteurs, de réseaux sociaux médicalisés, d’applications mobiles. L’objet de mon échange avec Guillaume Sarkozy, PDG de Malakoff Méderic, est de comprendre comment les industriels, les directeurs de la santé, les assureurs ont recours à l’innovation pour mettre en œuvre des solutions qui vont optimiser l’organisation des soins.

De fait, l’e-santé est un marché de l’ordre de 34 milliards d’euros. La e-santé demande de fédérer tous les acteurs : les industriels, les assureurs, les personnels de soin, etc. Dans ce contexte, comment un assureur comme Malakoff Médéric s’organise pour tirer parti de la “e-santé”? Comment utilise-t-on ces nouvelles technologies pour optimiser notre système de soin? Voici quelques-unes des questions que Guillaume Sarkozy et moi avons évoquées, au cours d’un échange à l’université d’été du MEDEF.

I/ Améliorer l’usage doit être la priorité de l’innovation et non le recours à de nouvelles technologies en tant quelles

Guillaume Sarkozy - PDG de Malakoff Médéric
Guillaume Sarkozy – PDG de Malakoff Médéric

A l’inverse de beaucoup d’entreprises technologiques, Guillaume Sarkozy ne pense pas qu’il faut aborder le sujet de la “e-santé” par le biais de la technologie, mais au contraire par l’usage. De fait, dans la relation quotidienne entre médecins et patients, il y a déjà de réels problèmes.

En effet, la CNAM dit qu’un médecin généraliste passe en moyenne huit minutes avec chaque patient. Dans les années qui viennent, à cause de la raréfaction du temps médical disponible, ce ne sera plus que cinq minutes, durant lesquelles le médecin doit :

  • écouter le patient
  • établir un diagnostic
  • rédiger une ordonnance
  • expliquer la suite

Il est évident que c’est impossible de conduire l’ensemble de ces activités en 5 minutes.

Par ailleurs, quand un patient va consulter un chirurgien pour une pose de prothèse, il est rare que le patient demande au médecin :

  • son taux d’infections nosocomiales
  • son taux de réussite
  • le nombre de fois qu’il a fait le geste
  • le niveau de qualité de la prothèse

II/ La “e-santé” va demander de créer de nouvelles relations de confiance

Il existe donc de nombreuses questions de la sorte que l’on n’ose pas poser. Donc avant la technologie, il y a autre chose, il y a un problème de confiance.

Selon Guillaume Sarkozy, c’est là que le groupe Malakoff Médéric a la prétention de vouloir jouer un rôle dans les années qui viennent : aider les patients à trouver des réponses à des questions qu’ils n’osent pas poser, dans une relation de confiance réciproque.

De fait, pour le patient connecté, la conséquence de l’e-santé est d’avoir une vision globale de sa santé, de manière plus sécure, selon Guillaume Sarkozy. Avec probablement l’intervention d’une marque à laquelle le patient fera confiance. Une marque qui négociera pour lui un certain nombre d’avantages. Par exemple accéder à un réseau de soin de façon plus rapide, en accédant au chirurgien ou au médecin qui a le meilleur taux de réussite. Là aussi il faudra se préoccuper de l’information, puisque le taux de réussite des médecins ou le taux de reprise est un secret bien gardé. C’est donc un ensemble d’informations qu’il faudra libéraliser et centraliser.

A ce moment-là, on aura besoin de la technologie, en se demandant ce qu’elle peut faire pour nous et pour le patient.

Malakoff Médéric

III/ Réussir l’innovation suppose de trouver un modèle économique et d’utiliser les technologies pour créer une plateforme commune

Aujourd’hui on se trouve dans un système de silos. La technologie va permettre l’intégration et la désintermédiation, selon Guillaume Sarkozy. Actuellement, on ne peut pas se permettre d’envoyer ses informations à un médecin qui gère jusqu’à 2000 patients. L’enjeu est de créer une plateforme qui puisse donc interagir avec les informations médicales des patients pour l’orienter.

Par ailleurs, sur les soins à domicile, il y a beaucoup à faire, mais surtout à changer la réglementation. Il y a une infinité de silos qui sont à changer. La technologie est nécessaire, mais quand bien même il y aurait un intégrateur, il faut capter ces milliards de données sur des plateformes qui n’existent pas aujourd’hui. Une fois qu’on a capté ces données, il faut agir, il faut d’autres plateformes pour les médecins et les infirmières pour agir. Le problème, au final, est qu’il n’y a pas de modèle économique. Pourquoi ? Parce que tout est gratuit. C’est la responsabilité d’assureurs comme Malakoff Médéric de faire évoluer petit à petit le contrat d’assurance vers un contrat d’abonnement qui permettrait de financer ce genre de choses. Telle est la vraie barrière à l’innovation : ce qui freine l’innovation, c’est l’absence de modèle économique et non l’absence de technologies innovantes.

L'hypertension, un fléau qui coute cher, mais qui peut être prévenu
L’hypertension, un fléau qui coute cher, mais qui peut être prévenu

A titre d’exemple, une expérience a été menée sur le risque d’hypertension dans les entreprises : 70% des dépenses de prévoyance (incapacité, invalidité, arrêt de travail) proviennent de 5 grandes familles de pathologie pouvant faire l’objet de limitations. Il est question de proposer aux entreprises de faire des démarches de dépistage, de prévention, de coaching sur ces familles de pathologie afin d’améliorer l’état de santé des salariés et donc la productivité de l’entreprise. Voici une piste pour trouver un modèle économique autour de la “e-santé”.

Ainsi, saisir les opportunités d’innovation liées à l’e-santé, il faut :

  • Commencer toute réflexion de nouveaux services et de nouveaux produits avec l’objectif de servir l’usage, plutôt que de pousser de nouvelles technologies
  • Comprendre le quotidien des patients, notamment dans la relation au corps médical
  • Créer un nouveau pacte de confiance avec l’ensemble des acteurs de la santé, au moment où la libéralisation de l’information va profondément modifier les relations entre les acteurs établis
  • Identifier un modèle économique qui permet de rendre l’innovation rentable, là où, jusqu’à présent, l’innovation est gratuite
  • Utiliser des technologies innovantes pour créer des plateformes de partages de données médicales

Lectures complémentaires

  • Pour un exposé sur la façon dont l’internet des objets est en train de redéfinir les business-model des marchés basés sur les produits, lire ce billet.
  • Pour un contrepoint au propos de Guillaume Sarkozy arguant qu’il n’existe pas de modèle économique, lire cet article.
  • Pour un article qui tente de définir les premiers contours d’un modèle économique pour l’e-santé, voir cette page.
  • Pour un panorama des objets connectés qui permettent de suivre votre état de santé, lire cet article.

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