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La révolution numérique engendre cinq bouleversements, selon Gilles Babinet


Sophie Quancard, Administrateur du réseau Daubigny, m’a récemment invité à une conférence où Gilles Babinet a évoqué la révolution du numérique. En quoi consiste cette révolution ? En quoi nous fait-elle entrer dans un nouvel âge pour l’humanité ? Voici quelques-unes des questions qui ont été évoquées pendant la conférence.

I/ Le numérique est à l’origine de cinq grands bouleversements

Gilles Babinet - Serial Entrepreneur, membre du CNC
Gilles Babinet – Serial Entrepreneur, membre du CNN

Tout d’abord, le numérique bouleverse l’accès à la connaissance. Aujourd’hui, il suffit d’un accès à Internet pour avoir accès à Wikipédia, une encyclopédie multilingue dont l’ensemble des articles mesure 178 mètres s’il fallait les imprimer sur du papier A4. Voici une observation qui nous paraît banale, à nous tous qui sommes des internautes quotidiens. Mais, dans les prochaines années à venir, deux milliards d’individus auront désormais accès à Internet, par le biais de tablettes à bas coûts. Il s’agit là d’une véritable révolution. L’accès à la connaissance n’aura jamais été aussi répandu, aussi instantané, dans le monde. De ce point de vue-là, la révolution numérique est comparable à la révolution de l’imprimerie, laquelle a mis à disposition des textes sacrés qui n’étaient accessibles qu’à quelques initiés disposant de bibliothèques fournies. En effet l’analogie se tient dans le sens où l’imprimerie a démocratisé le savoir. Dans les cinquante premières années qui ont suivi son invention, ce sont pas moins de vingt millions de livres qui ont été publiés, contribuant à l’alphabétisation de l’Europe. Dans le même temps, les initiatives comme le Projet Gutenberg ou celle de la fondation Wikimedia contribuent à porter le savoir dans des zones isolées, des secteurs défavorisés, via le réseau mondial.

Wikimedia foundation

II/ La révolution numérique s’accompagne également d’une révolution dans la formation et dans l’éducation

Gilles Babinet a notamment cité deux exemples

Le premier exemple est issu d’un professeur de Standford qui décide de mettre l’un de ses cours sur Internet. Habitué à enseigner à 160 étudiants de Standford, il ne s’imaginait pas que la discipline qu’il enseigne allait susciter un intérêt important. Et pourtant, quelques mois après la mise en ligne de son cours, il se rend compte que 160 000 étudiants se sont inscrits à son cours. Comment allait-il corriger l’ensemble des copies de ces nouveaux étudiants qui accèdent à son cours par Internet ? Il a corrigé et mis en ligne quelques copies supplémentaires. Et, à sa grande surprise, il s’est aperçu par la suite que les étudiants eux-mêmes corrigeaient les copies de leurs congénères. Le résultat, c’est que ce professeur estime que sur les 160 000 étudiants, environ 24000 ont le niveau des 160 étudiants qui étaient physiquement présents au cours du professeur à Standford. Autrement dit, il n’est plus nécessaire d’être physiquement présent au cours pour recevoir une formation de qualité. Il n’est plus nécessaire d’intégrer une grande université américaine pour recevoir une formation de qualité mondiale. Internet peut se substituer à l’enseignement universitaire, dans une certaine mesure.

Désormais la formation de Standford et d’autres prestigieuses universités américaines sont désormais accessibles à tous. Il y a là une évolution majeure dans l’enseignement.

III/ En outre, la troisième révolution numérique tient à notre système politique

L’ensemble de notre système politique s’est bâti pour gouverner une société industrielle. Mais aujourd’hui la révolution numérique remet en cause les fondements de cette organisation socio-politique. En effet, le numérique a pour spécificité de supprimer les intermédiaires et de connecter l’utilisateur final au producteur. Ainsi, les « liseuses électroniques », les réseaux sociaux et les blogs permettent aux auteurs d’entrer directement en relation avec leurs lecteurs, sans avoir à passer par l’intermédiaire des éditeurs. De la même façon, dans le secteur musical, YouTube permet aux musiciens de s’adresser directement à leurs clients sans avoir à passer par des maisons de disque.

Les secrets des entrepreneurs de la Silicon Valley

 

Si l’on assiste aux mêmes phénomènes de désintermédiation en politique, alors, le digital va connecter de façon directe le citoyen aux décisions du gouvernement, en contournant les intermédiaires. Autrement, les décisions gouvernementales ne seront plus le fait d’une décision ministérielle, mais le fait d’un processus collaboratif impliquant les citoyens. Aujourd’hui, on voit en Islande, que la constitution est en train d’être rédigée de façon participative. Autrement dit, la constitution n’est plus le résultat du travail de quelques élites politiques du pays. La constitution, à l’image de Wikipédia, la première encyclopédie collaborative, est le fruit d’un travail participatif impliquant tous les citoyens volontaires.

IV/ Dans le domaine de la santé, l’essor des objets connectés et des big data, devraient permettre de guérir plus vite et de prévenir avant de guérir

Autrement dit, on va passer d’une logique de guérison à une logique de prévention.

 

Exemple de smartwatch avec podomètre
Exemple de smartwatch avec podomètre

Les dépenses de santé en 2011 étaient faramineuses : 240 milliards d’euros. Soit presque la même chose que le budget de l’Etat. Dans ce contexte, il s’agit de faire des économies, ce que vont permettre les nouvelles technologies. On le voit déjà avec l’apparition des smartphones, puis dorénavant avec la commercialisation progressive de smartwatchs ou d’applications et jeux vidéo pour faire du sport : on est entouré par des capteurs qui quantifient notre activité physique et vont nous permettre de faire de la prévention. Cette tendance va s’exprimer dans le mouvement du Quantified Self, ou « Soi Quantifié » en français. Il représente l’univers des données qui ont trait à une personne, lesquelles permettent de mesurer son activité. Des grandes marques de sport telles que Nike ou Adidas se sont déjà lancées dans la course au quantified self en lançant leurs applications et montres intelligentes qui calculent les calories dépensées, les kilomètres parcourus ou qui aident à maintenir un mode de vie de sain. Ainsi il n’y a plus de discontinuité entre le quotidien et le maintien de sa santé comme ce put être le cas auparavant avec les visites annuelles chez le médecin. Grâce aux données récoltées en permanence par les objets connectés, la santé est une affaire de chaque instant.

V/ En outre, dans le domaine de la production, les robots vont prendre une place croissante

Gilles Babinet prévoit un futur où les robots remplaceraient la force productive. Selon lui « Les pays où les emplois sont les plus qualifiés, sont aussi ceux dans lesquels il y a le plus de robots ». Il milite pour un investissement dans la recherche qui nous permettrait de créer des emplois plus qualifiés, ce qui permettrait aux robots de prendre la relève sur les travaux les plus ingrats. La révolution du numérique va dans ce sens en permettant l’émergence d’automates robotisés, comme une seconde révolution industrielle après le Fordisme et le Taylorisme. Pour illustrer cet état de pensée, on peut par exemple citer la Google Car qui promet une circulation plus sûre et sans conducteur grâce à l’automatisation via un programme de la conduite.

Google Car
Google Car conduite par un logiciel

 

Lectures complémentaires

  • Pour rester dans la thématique du numérique et des changements qu’il occasionne, pour un article sur les enjeux des télévisions connectées, lire cet article.
  • Pour un exposé des innovations digitales dans le cadre de la vie universitaire, se diriger vers ce billet.
  • Pour approfondir les théories de Gilles Babinet, orientez-vous vers son site personnel qui contient de nombreux papiers sur le numérique ainsi que vers son livre intitulé L’ère numérique, un nouvel âge de l’humanité.
  • Pour adresser un sujet non abordé par Gilles Babinet mais qui est tout de même issu du numérique, à savoir la dématérialisation, lire cette page.

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