Comment impulser le changement ? Imaginez-vous à la tête d’une entreprise en quasi-faillite : les coûts excèdent largement les revenus, la trésorerie est nulle et les dettes s’accumulent. Il ne reste que quelques jours avant que la fin ne soit effective. Comment retourner la situation et transformer l’organisation en leader industriel ? Telles furent quelques-unes des questions que Alexandre Gérard, PDG d’Inov On et auteur de Le patron qui ne voulait plus être chef (Flammarion, 2017), avons abordées au cours d’une discussion récente.
Alexandre Gérard ou celui qui ne voulait plus être chef
Alexandre Gérard est un entrepreneur qui, après 15 ans de direction « Command & Control » de son entreprise de 300 personnes, est percuté par la crise. La chute, la peur, les licenciements laisseront place à une profonde remise en question. Depuis 2010, il engage ses équipes dans une démarche de « libération », inspirée par JF ZOBRIST, l’ancien patron emblématique de la fonderie FAVI et, Isaac GETZ, le co-auteur de Liberté et Cie (Flammarion, 2016). L’objectif est de créer un environnement bienveillant et nourricier qui permettra aux équipiers de s’épanouir et de s’engager.
Entreprises traditionnelles et entreprises libérées : points communs et différences
Notre discussion s’est d’abord portée sur la différence entre entreprises traditionnelles et entreprises libérées. Pour Alexandre Gérard, une organisation traditionnelle s’appuie sur un organigramme pyramidal et hiérarchisé. Les décisions sont effectuées par les dirigeants tandis que les collobatrateur sont chargés de les mettre en œuvre. Selon Alexandre Gérard, les entreprises traditionnelles se distinguent par au moins deux choses :
- D’une part, ces systèmes excellent dans un marché prévisible, plat et linéaire. Car, le maître mot de l’appareil de production demeure la qualité de l’exécution et la rigueur opérationnelle. Mais, citant une étude de l’armée américaine, Alexandre Gérard montre que le monde est aujourd’hui caractérisé par sa volatilité, son incertitude, sa complexité et son ambiguïté (VUCA). Dans un tel monde, l’entreprise hiérarchique éprouve davantage de difficultés parce qu’elle peine à s’adapter aux changements et aux bouleversements propres à notre époque.
- D’autre part, contrairement à une idée largement répandue, les entreprises traditionnelles ne sont pas du tout mues par la quête du profit. En effet, le capitalisme et le libéralisme laisseraient entendre que les organisations chercheraient à créer un maximum de valeur économique. Mais, selon l’expérience Alexandre Gérard, les entreprises traditionnelles sont avant tout mues par l’ego des dirigeants et la perpétuation d’un certain nombre d’habitudes dans le temps.
À l’inverse, les entreprises libérées confèrent des responsabilités importantes aux opérationnels qui sont au plus proches du terrain. L’idée, ce n’est pas de formaliser des process, ou de créer des comités de pilotage, mais au contraire de donner une large autonomie. Dans son livre, Le Patron qui ne voulait plus être chef, Alexandre Gérard montre comment il a fait évoluer son organisation pour que les collaborateurs décident de leurs productions, de leur priorité, de leur temps de travail, et même de leur rémunération. Car au fond, l’entreprise libérée s’appuie sur un certain nombre de postulats philosophiques qui reste très différent de ceux qui soutiennent l’organisation traditionnelle. En particulier :
- Au lieu de penser que l’Homme est égoïste est mu par le profit, on estime, à l’inverse, qu’il est naturellement bon.
- Au lieu de partir du principe que le travail serait un supplice (tripalium) on considère au contraire que l’Homme éprouve autant de plaisir à produire qu’à se divertir.
À l’aube d’un Nouveau Monde
Mais, la pertinence de l’entreprise libérée se révèle encore davantage dans le contexte particulier qui est le nôtre. Car, nous entrons dans un Nouveau Monde qui se caractérise par une triple transformation :
- la transformation écologique,
- la transformation technologique,
- la transformation désorganisation.
Car aujourd’hui, le paradigme de croissance épuise les ressources de la planète. Seulement 1 milliard d’individus peuvent vivre avec le niveau de vie des Européens. Mais, avec l’embourgeoisement des classes moyennes chinoises, l’essor de la classe moyenne indienne d’ici 2030, il est évident que les matières premières de notre terre ne suffiront pas à répondre aux besoins avenir. D’où, l’essor de l’économie circulaire. Celle-ci vise à réutiliser chaque élément afin de supprimer toute notion de déchets. Tout devient en quelque sorte recyclable et recyclé. Et, les ressources de la planète s’en trouvent d’autant plus mieux exploitées. Passer à une telle économie demande une modification profonde de nos modes de production.
D’où, l’essor progressif d’une sorte de nouvelle économie que nous pourrions décrire comme «Régénérative». Elle se développera, entre autres, sur des principes comme : le local, le collaboratif, le circulaire, la fonctionnalité et la bio-inspiration. Passer vers une telle économie conduira à une modification profonde de nos modes de production. Ainsi, peut-être, l’entreprise libérée est elle un des ingrédients de ce grand mouvement qui est en train de faire naître une nouvelle société. Voici, en quelques mots, l’essentiel de ma discussion avec Alexandre Gérard.
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