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Le rôle de l’innovateur dans une entreprise établie


Steve Blank, "serial" entrepreneur, professeur à Standford et fondateur du Lean Startup

Quel est le quotidien d’un innovateur évoluant dans une entreprise dont le modèle économique a fait ses preuves ? En quoi le rôle et la place de l’innovateur ont-t-ils quelque chose de singulier ? Comment l’innovateur parvient-il à concilier le caractère nouveau des projets qu’il porte au sein d’une entreprise dont le modèle économique a fait ses preuves depuis plusieurs dizaines d’années ? Telles sont les questions que j’ai eu l’occasion d’évoquer au cours d’une discussion récente avec un innovateur qui exerce dans l’industrie pharmaceutique.

 

Steve Blank, un serial entrepreneur de la Silicon Valley et fondateur du mouvement de Lean Startup (dont je vous parle également ici), indique qu’il y a une différence radicale entre des entreprises établies et les startups. Les startups ont pour vocation de découvrir un modèle économique tandis que les grandes entreprises ont pour vocation, non pas de découvrir un modèle économique, mais au contraire, de mettre en œuvre leur modèle économique et de le répliquer dans le temps.

Entreprises établies et startups : deux cultures d’innovation différentes

Les entreprises pharmaceutiques un rapport paradoxal par rapport à l’innovation :

  • D’un côté, il y a chez les décideurs un enthousiasme spontané pour tout ce qui touche à l’innovation digitale dans la santé, telles que les applications mobiles et les objets connectés
  • D’autre part, à côté de cet enthousiasme, il y a une difficulté à prendre des décisions d’investissement de long terme pour assurer que les entreprises pharmaceutiques puissent être effectivement présentes au sein de ces nouveaux marchés qui se dessinent. Il est vrai que les entreprises pharmaceutiques ont bâti leur succès, non pas sur des modèles économiques fondés sur des outils digitaux, mais, au contraire, sur des modèles économiques fondés sur des molécules.
  • Or, la différence entre ces deux modèles économiques est notable
    • D’une part, là où le modèle pharmaceutique nécessite des années de recherche et de développement pour développer une nouvelle molécule, l’innovation digitale ne demande que quelques dizaines de mois avant d’arriver sur le marché
    • D’autre part, là où le modèle économique pharmaceutique demande des milliards d’investissement, l’innovation digitale demande des montants bien inférieurs. Mais en même temps, les outils de santé de l’innovation digitale génèrent des revenus qui sont également bien inférieurs à ceux générés par les molécules
    • Enfin, là où le modèle économique pharmaceutique est fondé sur le B2B, le modèle économique de l’innovation digitale dans la santé est fondé sur le B2C

Objectif : sensibiliser les directions générales aux enjeux de l’innovation

C’est pourquoi, il n’est pas toujours aisé de porter des projets d’innovation digitale dans des entreprises qui ont bâti leur succès sur un modèle économique qui est bien différent. L’essentiel consiste en effet à sensibiliser les directions générales sur les enjeux de l’innovation digitale.

La sensibilisation peut prendre plusieurs formes :

  • D’une part, il peut sensibiliser les directions générales sur les positions que prennent de nouveaux entrants notamment par le biais d’acquisitions
  • D’autre part, il peut mettre en œuvre des projets d’innovation digitale au sein de l’entreprise pour venir enrichir le modèle économique existant.

Le changement prend du temps

Mais, il faut néanmoins reconnaître qu’une industrie pharmaceutique ne peut changer que lentement. Par exemple, Pfizer investit des dizaines de milliards de dollars dans des fusions-acquisitions pour acheter les molécules les plus prometteuses de tel ou tel autre acteur pharmaceutique. l’essentiel de la stratégie de Pfizer, c’est une stratégie de fusions-acquisitions, Pfizer ayant acquis Phamarcia (2003), Wyeth (2009) et Warner-Lambert (2000) en l’espace de neuf ans seulement. Le tout pour la bagatelle de 178 milliards de dollars. Encore aujourd’hui, Pfizer continue à racheter des sociétés, ayant d’ores et déjà absorbé trois autres laboratoires depuis 2011.

 

Il semble que l’innovation digitale ne bénéficie pas toujours d’un tel budget. Ceci semble montrer que les acteurs pharmaceutiques ne sont peut-être pas encore tout à fait mûrs pour prendre le virage de l’innovation digitale.

 

Lectures Complémentaires

  • Pour un article entièrement consacré à la différence entre startup et entreprise établie avec les théories de Steve Blank, se référer à cet article de blog.
  • Pour un article qui isole les différences entre le marketing B2B et le marketing B2C, lire ce billet.
  • Pour une plongée dans la stratégie de l’entreprise Pfizer, se référer à ce document PDF.

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