Comment créer une plateforme dans le secteur de l’énergie ? De quelles manières peut-on s’inspirer des plateformes ayant réussi dans d’autres industries pour esquisser les contours d’une plateforme dans l’énergie ? Telles sont les questions que Christophe Reinert et moi avons évoqué au cours d’un entretien récent. Très vite, il est apparu que créer une plateforme de l’énergie demande de répondre à deux conditions.
Créer une plateforme de l’énergie demande d’opérer une convergence. Le cas de l’iPhone
Pour créer une plateforme de l’énergie, nous avons réfléchi d’abord à la notion de convergence. Il est apparu qu’au début des années 2000 les opérateurs télécoms ont cherché à réaliser une convergence entre le contenant et le contenu. L’acquisition d’entreprises devait permettre de réunir les moyens de production nécessaires. Pourtant, même si la vision s’est avérée juste, la matérialisation de la convergence ne fonctionnait pas pour de multiples raisons :
- 1/ Le débit disponible au début des années 2000 ne permettait pas aux consommateurs de faire des requêtes simples sur un moteur de recherche comme Google.
- 2/ En outre, même si télécharger de la musique était possible techniquement, le temps le téléchargement, supérieure à 1 heure, paraissait trop chronophage.
- 3/ Enfin, l’expérience utilisateur notamment en matière d’interface logiciels n’était pas intuitive.
L’aventure de Vivendi s’est soldée par un échec. Coût : 13 milliards d’euros.
Seulement quatre années plus tard, Steve Jobs, fondateur d’Apple, est parvenu à réaliser une telle convergence. L’iPhone fusionne en effet 3 appareils en 1 : le téléphone, un outil connecté à Internet (« internet device ») et un lecteur de musique. D’autres applications ont enrichi l’offre du smartphone d’Apple : l’appareil photo, le caméscope, la console de jeux vidéo portable, le scanner, parmi d’autres.
Créer une plateforme de l’énergie demande de s’adresser à deux marchés différents
Le terme de « plateforme » désigne ce que Jean Tirole, prix Nobel d’Economie, appelle le « marché biface » (« two-sided markets »). Un seul et même système de production répond à deux marchés différents.
Pour illustrer ce propos, on peut citer le cas de Google :
- D’une part, il aide des millions de consommateurs à trouver une information. Dans ce sens-là, le moteur de recherche rend un service aux consommateurs d’une manière plus efficace que d’autres outils de recherche d’informations telles que Yahoo et les Pages Jaunes. Ici, le moteur de recherche cible le marché des consommateurs (B2C).
- D’autre part, le moteur de recherche Google, en affichant des panneaux publicitaires sur le côté, séduit un certain nombre d’annonceurs. Ces derniers ont déporté une partie de leurs investissements promotionnels sur le moteur de recherche notamment au détriment de la publicité dans les journaux. Ici, le moteur de recherche cible le marché des professionnels (B2B).
Google, comme Facebook, Criteo et YouTube, est parvenu à créer un cercle vertueux : le nombre des requêtes réalisées sur le moteur de recherche permet d’optimiser la compréhension des besoins des consommateurs ce qui permet d’optimiser le Retour sur Investissement des annonceurs qui choisissent de placer leurs publicités sur le moteur de recherche.
Sur la base de ces deux exemples — celui de Google et celui de l’iPhone — nous avons imaginé à quoi pourrait ressembler une plateforme de l’énergie.
Créer une plateforme de l’énergie, c’est faire un double usage des automobiles électriques
La première idée ferait de l’automobile électrique le point de convergence permettant de répondre aux besoins de deux types de clients différents, celle-ci répondant à deux besoins : la mobilité et le stockage d’énergie.
On imagine un consommateur. Le matin, il a recours à son véhicule électrique pour aller de son domicile à son travail. Pour effectuer son trajet, il consomme une partie de l’énergie stockée dans la batterie du véhicule. Lorsqu’il arrive au bureau, il branche le véhicule au réseau électrique. Le réseau électrique dispose d’une capacité de stockage d’électricité grâce au véhicule.
- Ainsi, s’il y a dans la journée un pic de production, l’énergie qui ne trouve pas preneur peut être stockée dans la batterie du véhicule et plus généralement dans l’ensemble du parc automobile électrique branché sur le réseau.
- Dans l’éventualité où la demande en énergie était supérieure à la production énergétique, alors, le réseau électrique pourrait capturer de l’énergie des véhicules électriques connectés au réseau.
Le véhicule électrique répond aux besoins de deux marchés : le transport des personnes (B2C), le stockage de l’énergie (B2B).
Cette plateforme de l’énergie est-elle promise à un grand avenir ?
Une telle utilisation du véhicule électrique paraît d’autant plus prometteuse que la mobilité urbaine est un marché estimé à 7 000 milliards de dollars selon la banque d’investissement Goldman Sachs. L’essor des véhicules autonomes devrait profondément changer la mobilité urbaine. Ainsi, dans un rapport intitulé « Rethinking Mobility », Goldman Sachs estime que le marché du service d’appel de voiture (Uber, Lyft, Didi) dépasserait la barre de $285 milliards de dollars en 2030. Voici donc beaucoup de véhicules qui pourraient servir de stockage d’énergie…
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