I/ Quelques exemples d’innovation de rupture dans le secteur de l’énergie
L’innovation de rupture consiste, pour l’essentiel, à offrir une meilleure expérience de consommation au client final sans recourir aux activités de production des acteurs établis. Comme le montre Clatyon Christensen, professeur d’innovation et de stratégie à la Harvard Business School, les innovateurs emploient, le plus souvent, des méthodes de production novatrices offrant une performance supérieure tout en rénovant la proposition de valeur de fond en comble. Les innovateurs contournent la compétition que se livrent les acteurs établis.
L’infrastructure énergétique des acteurs établis est fondée sur une centralisation des forces de production ce qui correspond aux méthodes de production du XXe siècle. La France, avec son infrastructure autoroutière et ferroviaire, en constitue un très bon exemple. On concentre les forces de production dans un nombre réduit de sites afin de
- Simplifier la logistique, que ce soit pour l’acheminement des matières premières ou la distribution des produits manufacturés,
- Maximiser les économies d’échelle,
- Gagner en efficacité tout au long de la chaîne de production.
Pourtant, l’essor de l’ordinateur personnel, de l’Internet, des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien, des technologies de partage et d’authentification telle que la blockchain, permettent de dessiner un nouveau paysage industriel. La troisième révolution industrielle, selon Jérémy Rifkin, auteur de La nouvelle société du coût marginal zéro, consacre le passage d’un modèle de production centralisé à un modèle de production décentralisé.
II/ Tesla, futur géant du stockage de l’énergie
Tesla, sous la direction du charismatique Elon Musk, conçoit des « tuiles solaires ». Le consommateur les installe sur son toit. Des batteries permettent de stocker l’énergie lorsque la production énergétique dépasse les besoins du client lorsque le soleil, caché derrière les nuages, n’est pas propice à la production d’énergie solaire. Selon le rapport intitulé Solar Power and Energy Storage Blue Paper, Tesla devrait produire les solutions de stockage les plus volumineuses, notamment en raison de son « Gigafactory », l’usine la plus étendue au monde. Il est notamment prévu que la Gigafactory pourrait produire autant de cellules photovoltaïques que la somme de la production de cellules photovoltaïques du monde entier. Le coût de capital de la batterie de Tesla devait passer de $ 250/kWh à $ 150/kWh d’ici 2020. Bien qu’il soit difficile d’anticiper la demande pour ces batteries, Morgan Stanley suppose que la demande pourrait s’établir à 10 GWh par an, ce qui correspond à 2 milliards de dollars, avec une marge brute à 25 %. Le cours de l’action de Telsa (TSLA) devrait augmenter de 17 $.
Avec ce système, l’infrastructure énergétique — et notamment le réseau électrique — paraît totalement contournée. Néanmoins, le coût du stockage d’électricité demeure très élevé, et la compétitivité-prix de l’énergie éolienne reste en deçà de celle du nucléaire, par exemple.
Les chiffres évoqués ci-dessus ne s’appliquent pas à la situation énergétique française. En effet, l’Hexagone peut s’appuyer sur une infrastructure électronucléaire dense. Selon rapport European energy markets observatory (18ème édition) de Colette Lewiner, l’énergie renouvelable reste plus onéreuse que l’énergie d’origine nucléaire, laquelle demeure aussi une énergie décarbonée. Par exemple, en France, un objectif vise à produire en 2023 43 TWh supplémentaires par an d’énergie renouvelable. Au prix actuel, un tel objectif requiert un investissement de l’ordre de 61 milliards d’euros. Pourtant, un investissement de 55 milliards d’euros pourrait allonger la durée de vie de 20 ans des centrales nucléaires existantes, ce qui permettrait de produire 440 TWh par an. L’investissement électronucléaire reste donc plus de 10 fois plus productif que l’investissement en énergie renouvelable.
III/ TransActiveGrid, ou le réseau d’énergie via blockchain
À New York, une startup audacieuse met en place un réseau électrique fondée sur la Blockchain. Cette technologie d’authentification des transactions connait de nombreuses applications financières ; adaptée à l’énergie, elle permet de certifier la vente ou l’achat d’énergie à ses voisins. De nouveau, l’infrastructure des acteurs établis est totalement contournée. Il suffit de se rapprocher de ses voisins qui produisent de l’électricité — soit parce qu’ils disposent de panneaux solaires, soit parce qu’ils disposent d’éoliennes — pour se fournir en électricité. L’édification d’un tel réseau électrique décentralisé pourrait s’accompagner d’une augmentation exponentielle des opérations commerciales liées à l’énergie : le particulier pourrait se fournir auprès d’autres particuliers au lieu de ne se référer qu’à un seul fournisseur comme auparavant. Néanmoins, aujourd’hui le système ne permet pas de répondre à l’ensemble des besoins des consommateurs notamment parce que le volume de production énergétique reste encore insuffisant.
IV/ powerpeers, le Facebook de l’énergie
Enfin, aux Pays-Bas, une startup dénommée PowerPeers, récemment acquise par l’énergéticien Vattenfall, développe un marché électrique d’un genre nouveau. Ici, on vend de l’électricité en spécifiant l’origine de l’énergie et le lieu de production. Par exemple, on peut savoir si l’énergie est d’origine solaire, éolienne biomarine, hydroélectrique ou nucléaire. De la même manière, on peut savoir si l’énergie est produite aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Suisse… Au-delà d’une localisation par pays, on peut connaître la localisation par département et on peut même avoir accès au nom du producteur. D’une certaine manière, il s’agit d’une sorte de réseau social dédié à l’énergie, un peu comme un Facebook de l’énergie.
Ce qui est particulièrement intéressant ici c’est que l’énergie cesse d’être une commodité. Par exemple, on peut imaginer que pour certains consommateurs de conviction écologiste, 1 MW d’origine solaire produit par son voisin aux Pays-Bas pourrait se prévaloir d’une valeur marchande supérieure à un mégawatt produit par une centrale au charbon en Allemagne ou un réacteur nucléaire dans le centre de la France. Autrement dit, le mégawatt devient un produit différencié, avec une origine, une histoire, une qualité particulière. Le consommateur pourrait se montrer prêt à payer un premium prix pour une différentiation produit.
En résumé, l’innovation digitale dans le secteur de l’énergie porte sur l’infrastructure énergétique, le stockage de l’énergie et la différentiation du MW, selon l’origine de production.
[…] article Startups de l’énergie est apparu en premier sur The Innovation and Strategy […]