Quelles différences entre le changement, l’innovation et le progrès ? Voici une question que Jean-Christophe Pic, Professeur associé Celsa-Paris Sorbonne, et moi-même nous sommes posés au cours d’un dîner récent.
I/ Innovation et Progrès : différences et points communs
Notre échange a démarré lorsque Jean-Christophe m’a informé qu’il avait été très intéressé par la distinction que je faisais entre l’innovation et le progrès dans mon livre. J’indique que le progrès suppose une dimension métaphysique et eschatologique. Autrement dit, le progrès est une amélioration globale de la condition humaine. Pourtant la notion de Progrès vise à donner une place particulière à l’homme dans la nature ainsi qu’un devenir après la mort. Chez Platon, par exemple, on assure que, dans le Phédon, l’âme, immortelle, rejoint le monde des Idées tandis que le corps, mortel, se décompose. Dans de nombreux courants indiens, on assure que l’Homme peut renaît dans une autre vie après une première mort.
II/ La lacune de l’innovation : l’absence de métaphysique
À l’inverse, dans la notion d’innovation, on ne trouve pas de référence à une amélioration globale de la condition humaine ni même un projet pour l’Homme après sa mort. L’innovation se contente de produits nouveaux qui viennent faciliter le quotidien matériel du consommateur. La seule référence qu’on peut trouver à toute notion de mortalité, on la trouve dans les produits d’Apple. Steve Jobs, le cofondateur de la firme de Cupertino, a supprimé l’ensemble des boutons « on » et « off », notamment parce qu’il avait peur de sa propre mort à lui, son cancer du pancréas ayant connu plusieurs métastases. Donc, ce qu’il y a d’intéressant, c’est que dans les produits Apple, la mort est en quelque sorte biffée, comme s’il fallait ignorer, rejeter ou tenter de s’abstraire de la condition humaine et de la destination finale que nous partageons tous, celle de la mort. On trouve ailleurs les tentatives d’humanisation des produits Apple notamment avec le clignotement continu et progressif des lumières indiquant que les MacBook sont sous tension. Ce clignotement doux et progressif a vocation à reproduire le rythme de la respiration humaine. À l’évidence, ses allusions à la mort restent très générales et ne peuvent en aucun cas servir à bâtir un projet métaphysique.
Donc, on voit bien que le progrès et l’innovation ont en commun la notion de nouveauté.
III/ Le Progrès, c’est la nouveauté enrichie de métaphysique
Mais, le Progrès apporte une dimension beaucoup plus globale à la nouveauté puisqu’elle éclaire à la fois sur la destination finale de l’Homme tout en donnant une place singulière de l’Homme dans le cosmos.
D’ailleurs, il faudrait ajouter que la notion de Progrès suppose un certain mouvement. En effet, selon Alain Rey, lexicographe, le mot de progrès suppose une avancée militaire. Or, on ne peut pas parler d’avancée, de « pas en avant » sans avoir une idée de la destination finale vers laquelle on veut se rendre. Dans le cas de l’armée et des avancées militaires, la destination finale, c’est le camp de l’ennemi. L’emploi du terme de Progrès avec une majuscule signifie toute autre chose en termes de destination finale. Il s’agit non pas d’aller conquérir le territoire d’autrui. Mais plutôt de clarifier le territoire, le lieu de l’Homme une fois que celui-ci est mort.
Ainsi, la différence entre l’innovation et le Progrès tient en un mot : métaphysique.
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