Consultant indépendant, Guillaume Villon de Benveniste publie aux éditions Eyrolles Le secret des entrepreneurs de la Silicon Valley. Il y analyse les différences de l’innovation made in Californie et esquisse les pistes qui pourraient aider les dirigeants français à retrouver le choix de l’innovation. Une condition nécessaire pour continuer à exister sur la scène économique internationale.
L’Usine digitale : Qu’est-ce qui vous amené à écrire aujourd’hui un livre sur l’innovation ?
Guillaume Villon de Benveniste : Dans votre question, c’est le mot “aujourd’hui” qui retient mon attention. Nous sommes à un moment singulier de l’histoire économique. Nous sommes les héritiers d’une économie de l’innovation issue de la Belle époque. Toutes les entreprises du Cac 40 et du SBF 120 en sont les héritières. Elles se sont développées au fil du temps en élargissant le marché intérieur, en conquérant des marchés extérieurs. Avec le chute du mur de Berlin, il y a eu une extension de la mondialisation qui s’est ensuite portée vers les BRIC. Parallèlement se sont développés les programmes d’excellence opérationnelle.
Aujourd’hui, les leviers de compétitivité sont épuisés. Nous devons collectivement répondre à la question : comment faire pour créer les conditions d’une économie de l’innovation pour entrer dans le XXIe siècle ? Le temps est venu de faire quelque chose de radicalement nouveau. Il n’est plus possible de rester compétitif en baissant les coûts.
Pourquoi, selon vous, la Californie remplit-elle aujourd’hui, le rôle qu’a rempli la France hier ?
Les raisons sont multiples. Je voudrais insister sur certaines d’entre-elles. Une innovation n’est pas une invention scientifique. Pour passer de l’un à l’autre, il faut aussi avoir des compétences en matière d’invention de modèle économique et avoir un état d’esprit propice à l’innovation.
La France a possédé ces éléments. Ce n’est pas un hasard si le mot entrepreneur est français. Dans mon livre, je raconte une anecdote qui résume bien ce qu’est un état d’esprit favorable à l’innovation. Un garçon de café qui avait souscrit une action d’une entreprise innovante au siècle dernier, avait accroché ce titre au mur de son appartement. Parmi vos amis, connaissez-vous quelqu’un qui a fait la même chose aujourd’hui avec l’action d’une start-up dans laquelle il aurait investi ?
En outre, je donne des conférences dans les grandes écoles et ce qui me frappe c’est le cloisonnement. Il est très difficile de faire travailler ensemble des gens issus d’univers différents. Essayez de mixer des gens venus d’école de commerce, d’ingénieurs ou de design, vous verrez, c’est compliqué. Les choses bougent, il y a des diplômes qui associent écoles d’ingénieur et de commerce mais cela reste exceptionnel.
L’exemple d’Apple montre pourtant l’importance de rapprocher ces profils. Entre Steeve Jobs et sa formidable connaissance du client, John Ivy le designer, Tony Fadell, ingénieur informaticien et Phil Schiller chargé du marketing, il y avait une vraie collaboration. Ce qui compte aussi c’est la pluralité des profils dans les prises de décision dans les comités d’investissement. Le risque c’est que ce soit un ingénieur ou un profil commercial qui décide.
Selon vous, les professionnels de la finance ne comprennent pas les start-up. Pourquoi ?
Par définition, une start-up n’a pas trouvé son modèle économique. Elle le cherche et cela peut prendre plusieurs années avant de trouver le bon.
Je me souviens de Piazza,une start-up californienne que j’avais rencontrée, qui proposait un réseau social aux étudiants. Après un cours, il était possible de poser une question, les autres étudiants apportaient la réponse et le professeur donnait son avis. Leur but était d’avoir la meilleure expérience client possible pour avoir le plus d’utilisateurs possibles. J’y suis retourné un an et demi plus tard et le modèle avait évolué. Leur objectif était alors de faire payer un dollar par an et par utilisateur. Il faut donc avoir un financier qui sache les accompagner, qui comprenne ces évolutions dans le business model, qu’il ne souhaite pas tout figer dans un business plan. Dans une start-up, le business plan est vrai le jour où on en parle.
Dans votre livre, vous passez du macro au micro. Pour vous, l’innovation passe par des changements très quotidiens. Vous suggérez ainsi de passer à une culture de l’approbation. En quoi cela consiste-t-il ?
La question est de passer du “oui mais” au “oui et”. Faites l’expérience, écoutez et notez. Lors d’une discussion, les personnes sont tentées de répondre oui mais. Le résultat est qu’au début de la conversation, il y a deux positions établies qui perdurent après. Personne n’a fait un pas vers l’autre.
Si on veut construire, faire quelque chose de nouveau, il faut accepter la position de l’autre. En disant oui et on combine son idée avec celle de son interlocuteur, on se place dans une logique de co-création.
Ce n’est pas du tout accessoire. Il faudrait par exemple noter les débats dans les comités exécutifs des sociétés du CAC 40 ou du SBF 120 pour vérifier que l’on se place bien dans les “oui et”, ce qui n’est pas si souvent le cas.
Le “oui mais” correspond au paradigme des lignes Maginot, qui ne peuvent pas fonctionner dans une économie de l’innovation où faut aussi et avant tout revoir les manières de dialoguer.
Aucun commentaire