Qu’est-ce que la France de l’innovation peut apprendre de la Silicon Valley ?

En quoi l’innovation française pourrait-elle être améliorée en s’inspirant des pratiques et des méthodes issues de la Silicon Valley ? Quels conseils un expatrié français vivant dans la Silicon Valley donnerait-il à sa mère patrie pour mieux réussir l’innovation en France ? Voici quelques-unes des questions que j’ai évoquées avec Stéphane Allaire.

I/ La Silicon Valley est le berceau mondial de l’innovation

De grandes entreprises mondiales sont nées dans la Silicon Valley et sont parvenues à conquérir des parts de marché significatives en peu de temps. Apple, Amazon, Google, Facebook, Twitter, Salesforce, LinkedIn, Dropbox, Netflix, Uber, la liste est longue. Le point commun de ces entreprises est qu’elles sont issues de la Silicon Valley et qu’elles sont parvenues à inonder le marché mondial de leurs services et de leurs produits. Alors quel est le secret de ces entreprises ?

II/ Les compétences d’innovations françaises sont réelles

La première remarque de Stéphane Allaire peut surprendre : les compétences d’innovation françaises sont réelles. Ainsi, dans beaucoup de start-ups très innovantes basées dans la Silicon Valley, le directeur technique ou le directeur d’innovation sont de nationalité française et ont été formés dans des écoles françaises. Par conséquent, il y a un savoir-faire technique très réel en France, à tel point que les start-ups innovantes de la Silicon Valley chassent les talents français.

III/ L’innovation française butte sur des limites

Mais, la grande difficulté de l’innovation en France c’est l’identification du marché. En France, selon Stéphane, on arrive très bien à inventer de nouvelles technologies, mais on a beaucoup plus de difficultés à trouver un marché.

Une des raisons pour lesquelles il y a une difficulté à trouver un marché, c’est qu’on oublie quelle est la vocation première de l’innovation. L’innovation a pour objet de « simplifier le quotidien des gens ». L’innovation, ce n’est pas la technologie. L’innovation ce n’est pas l’inventivité technique. L’innovation c’est quelque chose de tout à fait concret et qui est destiné au quotidien des clients. Le Smartphone simplifie pour beaucoup la consultation des courriers électroniques. Le Smartphone simplifie également la consultation du carnet d’adresses ou du calendrier. Voilà des innovations qui simplifient la vie des gens.

Or, le problème qu’il y a en France, c’est que le prisme technique est très fort. Par conséquent, les investissements et les ressources sont d’abord alloués à des problématiques techniques, là où, aux États-Unis, on privilégie plutôt la compréhension du problème quotidien des clients. Ainsi, Marc Giget, Président de l’Institut Européen de Stratégies Créatives et d’Innovation montre qu’aux États-Unis on passe autant de temps à comprendre le problème des clients qu’à développer une solution. À l’inverse, en France, on passe trois fois plus de temps à développer une solution technique plutôt qu’à comprendre le problème du client

C’est pourquoi il faudrait passer davantage de temps à comprendre le quotidien des clients afin de développer quelque chose qui leur simplifie la vie. Telle est une conviction de Stéphane Allaire.

Enfin, un dernier point : aux États-Unis il y a davantage d’ouverture. S’associer à un partenaire industriel ou à plusieurs partenaires industriels pour créer quelque chose de nouveau paraît plus spontané. Il y aurait aussi davantage d’enthousiasme et davantage d’intérêt pour les nouvelles choses. Ainsi, lorsqu’une nouvelle idée est présentée à un public de la Silicon Valley, l’a priori est d’emblée positif là où parfois, une même présentation suscite de la réticence auprès d’un public français. Donc, Stéphane souhaite ouvrir l’entreprise Bouygues Télécom à des partenaires externes pour innover avec eux. Car aujourd’hui, il n’est plus possible de tout inventer en interne…

Voilà donc ce que la France de l’innovation peut apprendre de la Silicon Valley :

• d’abord, il faut reconnaître la qualité technique des ingénieurs français
• ensuite, il faut reconnaître la difficulté à créer des technologies qui trouvent un marché et qui simplifient réellement le quotidien des gens
• enfin, il faut jeter un nouveau regard sur l’innovation et chercher à innover avec des partenaires externes plutôt qu’à innover toujours en interne

Lectures complémentaires

• Pour retrouver le compte-rendu de mes précédents échanges avec Stéphane Allaire, suivre ce lien.
• Pour découvrir la méthode du Lean Startup sur laquelle se base de nombreuses entreprises américaines, lire ce billet de blog.
• Pour lire une interview avec un développeur français travaillant dans la Silicon Valley, se rendre à cette adresse.
• Pour un compte-rendu de la success-story de Docker, une startup fondée en France devenue étoile montante de la Silicon Valley, cliquez ici.