L’internet des objets ouvre un champ d’innovation infini, selon Jean-Luc Beylat, Président d’Alcatel-Lucent France

En quoi l’internet des objets constitue-t-il une opportunité d’innovation très importante ? Voici une question que Jean-Luc Beylat et moi-même avons récemment évoqué.

I/ Présentation de Jean-Luc Beylat

Jean-Luc Beylat est actuellement vice-président chargé des partenariats industriels pour Bell Labs et Président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France (situé à Villarceaux près de Paris), après avoir été vice-président chargé des programmes de partenariats R&D stratégiques du groupe Alcatel-Lucent, groupe spécialisé dans le domaine des produits et services « télécoms », dont le chiffre d’affaires déclaré était de 14,4 milliards d’euros en 2012. En outre, Jean-Luc Beylat est Président du Pôle de compétitivité Systematic Paris-Region ou « Pôle de compétitivité mondial Systematic Paris-Region »

II/ L’internet des objets permet la multiplication des applications

Selon Jean-Luc Beylat, l’internet des objets tel qu’on l’a connu il y a quelques années, était défini sur le « machine to machine ». On donnait des connectivités à des objets dans un environnement industriel ou commercial. Il s’agit d’un schéma ou un propriétaire était lié à un service donné. La grande transformation qui s’opère maintenant, c’est la multiplication des applications. Tous les objets, dès lors qu’ils disposent d’une connexion radio ou une adresse IP, vont se connecter sur la plateforme IP en général. Ainsi ils vont pouvoir avoir accès des applications ludiques, médicales ou professionnelles. Le spectre est très large. Même si l’infrastructure numérique aura vocation à évoluer, déjà aujourd’hui, de par la multiplication des accès radio (radio, wifi, bluetooth), beaucoup d’objets ont vocation à être connectés sur une même plateforme internet.

Il y a une vingtaine d’années, il y avait la voix, le téléphone, sur une infrastructure donnée. Ensuite, il y a eu la vidéo, également, sur une infrastructure donnée. Est arrivé le protocole internet, et sur cette même plateforme on a pu mettre le téléphone, la voix, la vidéo, le web, qui permet de connecter l’ensemble des gens. L’interaction entre ces grands services a créé de nouveaux services à l’image des réseaux sociaux, par exemple. En lien avec cela, il y a des technologies d’accès, qui sont des technologies radio. Donc très rapidement, un objet qui a son adresse IP, donc qui est reconnaissable, lié à un capteur de pression, température, voix, etc, peuvent remonter des informations au travers d’une infrastructure qui est déjà en place.

À partir de là, des services professionnels se sont créés, comme le grand plan de stockage de la Fnac par exemple. Des tags radio sont fixés à l’ensemble des produits qui permettent de gérer l’inventaire via une application spécifique. Demain, cette même infrastructure IP a vocation à se muscler, à devenir plus agile et plus flexible, plus scalable et plus intelligente puisqu’elle s’autorégule elle-même. Tout ceci ouvre la voix pour que de quelques milliards de personnes connectées, on passe à des dizaines de milliards d’objets connectés de différentes natures.

La caractéristique à retenir de ces capteurs est leur faible consommation. Ils peuvent donc se multiplier à l’infini et se fondre facilement dans l’environnement. Ce qui facilitera la création d’une multitude de services qui profiteront de cette implantation.

Le grand potentiel de l’internet des objets est lié aux faits que :

• L’adresse IP est scalable (IPV6)
• Tout type de connexion devient une connexion radio
• L’objet peut rentrer dans un environnement ultra connecté

Auparavant, on avait une génération de « machine to machine », aujourd’hui on se trouve dans un système beaucoup plus ouvert, porté par le « do it yourself ». Il s’agit de la capacité des gens eux-mêmes à créer des services basés sur l’internet des objets. À partir de cette base, on peut apercevoir un champ d’applications et d’innovations presque infini.

• Les objets peuvent être attachés à une personne : capteur de température, capteur de présence
• Les objets peuvent être attachés à un lieu
• Les objets peuvent être attachés à d’autres objets

III/ Des exemples d’innovation dans le domaine de la santé et du retail

Par exemple dans les grands hôpitaux, un certain nombre d’équipements circulent de chambre en chambre, ce qui pose des problèmes d’inventaire et d’investissement qui sont très lourds. Grâce aux objets connectés, il est dorénavant possible de tracer ces équipements afin de pouvoir les repérer et d’améliorer leur gestion.

A ce jour, les plus petits distributeurs ne se dotent pas encore de capteurs parce qu’ils attendent que les fabricants normalisent leurs produits en incluant les capteurs par défaut, comme ça peut par exemple être le cas aujourd’hui pour les codes-barres. En effet pour l’instant ce sont les grosses structures comme Amazon ou la Fnac qui équipent les produits de capteurs. Mais progressivement, le processus de normalisation des émissions radio des produits devrait se démocratiser. Il y a néanmoins encore des discussions qui sont en cours, notamment sur la problématique du coût de l’étiquetage.

Par ailleurs, de nombreux travaux ont été réalisés sur la géolocalisation indoor. Dans un supermarché, on peut géolocaliser la personne à quelques mètres et proposer des publicités en adéquation avec le positionnement, ou bien situer un produit sur une carte, voire guider la personne à travers le magasin.

Avec ces exemples, on voit qu’il n’existe aujourd’hui pas de facteur limitant dans l’internet des objets. Du moins pas techniquement. Il y a néanmoins des enjeux de business-model liés aux services qui sont proposés. En s’impliquant dans la thématique des objets connectés, on ouvre la porte vers de nouveaux enjeux, et on découvre de nouveaux postes à attribuer, comme lors de l’expansion de Google avec ses algorithmes ou du cloud d’Amazon, par exemple.

En résumé, l’internet des objets ouvre un champ d’innovation très important parce que :

• La nouvelle addresse IPv6 permet de démultiplier le nombre d’adresse IP
• Les objets connectés vont consommer très peu d’énergie ce qui facilite leur création
• Les applications seront très nombreuses

Au cours de mon échange suivant, Jean-Luc et moi avons évoqué la valorisation de l’internet des objets. Comment valoriser le potentiel commercial du marché de l’internet des objets ? Comment prendre une partie de cette valeur ?

Lectures complémentaires

• Pour découvrir comment l’internet des objets et l’e-santé peuvent agir de concert, lire ce billet.
• Pour un approfondissement de la problématique de décentralisation des services via l’internet des objets, se rendre ici.
• Pour une approche novatrice du fonctionnement du cloud à l’intérieur de l’internet des objets, se référer à cet article.
• Pour une liste des défis à relever par les entreprises, la France et l’Europe face à cette nouvelle tendance, consulter cette page.