Qu’est-ce que la vision ? Une discussion avec Olivier Arnaud, expert en Lean Startup

Pour Olivier Arnaud, il y a vraiment une chose qui est fondamentale. C’est la vision. La vision, à la différence des autres éléments du modèle économique, ne change pas. Et, pour illustrer cet élément, Olivier et moi avons parlé de Twitter. Twitter a été créé à l’occasion d’un Hackathon. Il s’agit d’un concours de développeurs de nouveaux produits, une course se déroulant en l’espace de 48 heures. Noah Glass et Evan Williams, les fondateurs de Twitter, ont donc conçu Twitter en 48h. Mais le produit qu’ils ont créé était techniquement instable. Leur vision d’origine, qui est restée la même, c’était de pouvoir se tenir au courant de ce que d’autres pouvaient faire sur un projet déterminé. Il s’agissait, en quelque sorte, de la même fonction que la fonction statut sur Facebook, mais sans tous les autres éléments sociaux du réseau social Facebook. On est donc informé en temps réel de ce que peut faire le collaborateur et, fort de ce savoir, on peut proposer son aide en conséquence.

Alors qu’ils avaient développé l’outil, il y avait de gros problèmes d’instabilité et le fondateur de Twitter envoyait des e-mails aux utilisateurs pour les tenir informés des évolutions des corrections apportées à Twitter, afin de remédier à l’instabilité technique.

Et puis, à l’occasion d’un tremblement de terre à San Francisco, les utilisateurs de Twitter ont utilisé Twitter, non pas pour communiquer sur les projets professionnels qui étaient les leurs, mais, sur

• leur position géographique,
• leur état de santé après la catastrophe naturelle
• l’état des destructions constatées

Autrement dit, l’usage d’outils comme Twitter a été détourné à l’occasion de cette catastrophe naturelle. Et, à ce moment-là, le gouvernement américain a contacté les fondateurs de Twitter pour leur proposer de faire des interviews d’experts. Autrement dit, pour le gouvernement, Twitter était un véhicule de communication, un peu comme peut l’être la télévision ou la radio. Mais, les fondateurs ont souhaité rester fidèles à leur vision qui est celle de partager ses statuts, sa situation, à un moment déterminé, en 140 caractères.

Avec les révolutions arabes, l’utilisation de Twitter a rencontré encore un nouvel usage, celui de communiquer, lorsque le gouvernement de crise coupe les moyens de communication traditionnels. On a parfois dit que pendant les révolutions arabes, les foules se sont organisées en s’appuyant sur Twitter. C’est notamment la conclusion de deux chercheurs, Younès Boughzala et Inès Bouzid dans un rapport de 2012, s’appuyant sur de nombreuses données et des témoignages de manifestants qui s’organisaient grâce à Twitter.

Quoi qu’il en soit, rester fidèle à sa vision, cela veut dire de rester constant, en dépit des sollicitations diverses. Il y a, néanmoins la possibilité de modifier tout ou partie de son modèle économique, mais sans changer la vision fondamentale.

• Ainsi, lorsqu’un changement incrémentale est apporté à l’une des neuf cases du modèle économique, alors, on parle d’itération
• Mais, lorsqu’un changement plus important est porté sur plusieurs cases du modèle économique perdu, alors, on parle d’un pivot

Bâtir une startup pour réaliser une vision déterminée, avant de changer de vision, seulement six mois plus tard, c’est faire le « pivot du paresseux », selon Olivier Arnaud. Ce qui aboutit à des projets morts-nés.

Lectures complémentaires

• Pour une autre discussion intéressante sur l’importance de la vision dans le Lean Startup avec Olivier Arnaud, voir ici.
• Pour une discussion sur l’intérêt du pivot dans la stratégie d’innovation avec Tony Ulwick, CEO de Strategyn, lire ce billet.
• Pour lire l’avis de Steve Blank, serial entrepreneur, sur les effets du pivot, consulter son blog, ici.
• Pour un article démontrant comment éviter un pivot paresseux, se référer à cette page de blog.