Comment mieux valoriser la recherche en France ? Voici une question que j’ai été amené à me poser lorsque j’ai rencontré Michel Prudhomme, fondateur et Président de L’Espace Dirigeants. Michel Prudhomme côtoie des chercheurs depuis un certain nombre d’années, notamment dans le cadre de conférences qu’il donne à Polytechnique. Et, ce qu’il voit du parcours des chercheurs le chagrine.
I/ La situation des chercheurs en France est peu enviable ce qui les amène à faire autre chose
- Le premier élément qui marque la situation peu enviable des chercheurs français, c’est la rémunération. Figurez-vous que la rémunération salariale des chercheurs français se situe à peine au-dessus du SMIC.
- Le second élément qui crée cette situation peu enviable, c’est le temps qu’il faut pour prendre des responsabilités. Ainsi, faut-il compter jusqu’à 10 ans pour devenir Directeur de Recherche, et ceci vient s’ajouter aux longues années nécessaires à l’obtention d’un doctorat et d’un « Post-doc ».
Par conséquent, aujourd’hui, les chercheurs que rencontre Michel Prudhomme ont pour souhait :
- soit de quitter le monde de la recherche
- soit de s’expatrier aux États-Unis
II/ Premier exemple : voulant échapper au monde de la recherche, un chercheur en physique quantique devient institutrice
Ainsi, récemment, il a rencontré un chercheur qui est diplômé de physique quantique. Elle a fait toutes sortes de recherches très abouties dans son domaine, mais comme le monde de la recherche ne valorise pas ses efforts, son travail et ses idées à sa juste valeur, elle a désormais pour projet de quitter le monde de la recherche afin de devenir institutrice. Évidemment, Michel Prudhomme, en qualité de contribuable, est chagriné par ce changement de parcours. Voici une personne que la France a formé et qui a développé des réelles compétences dans un domaine d’excellence reconnu.
Et pourtant, le manque de reconnaissance socioprofessionnelle autour de son domaine l’amène à envisager un autre type de carrière pour lequel elle n’a pourtant pas suivi de formation, en tant que tel. Autrement dit, l’investissement que la France a réalisé pour la formation de cette personne est en quelque sorte perdu, du fait de cette nouvelle orientation professionnelle. Et, selon Michel, des histoires comme celles-là, il y en a beaucoup d’autres.
III/ Deuxième exemple : ne trouvant pas d’emploi en France, un chercheur français, diplômé des meilleures institutions françaises et américaines, se tourne vers la Californie
Ainsi, il y a un mois seulement, Michel a rencontré un jeune chercheur français diplômé de l’école polytechnique. À la fin de sa formation à polytechnique, il est allé en Californie, à Berkeley, où il a réalisé une thèse en informatique mathématique. Ensuite, il a fait un « Post-doc ».
En Californie, il a rencontré une femme qui est devenue son épouse. Et comme celle-ci a formé le vœu de connaître le pays de son mari, ils sont rentrés en France il y a six mois.
- Depuis son arrivée en France, ce chercheur cherche du travail en France
- Mais, pour le moment, cette personne, qui est pourtant diplômée des meilleures institutions françaises et américaines, n’a pas trouvé d’emploi
- C’est pourquoi, sa femme et lui ont décidé de rentrer aux Etats-Unis
- Et, à peine arrivé en Californie, ce chercheur a trouvé un job dans une start-up
Et voici donc un autre exemple d’une occasion manquée de développer la recherche en France et d’attirer des cerveaux en France.
IV/ La recherche et les chercheurs ne sont pas valorisés par les entreprises
Michel m’a d’ailleurs indiqué qu’il avait rencontré un autre docteur de polytechnique, qui lui avait indiqué qu’une grande entreprise française lui avait dit :
- Que le fait de détenir un doctorat ne changeait en rien sa rémunération
- Qu’il aurait été préférable de rejoindre un grand groupe dès la fin d’un bac+5 au lieu de faire un doctorat
De façon plus générale, Michel Prudhomme constate qu’il y a une certaine méfiance, ou, en tout cas, un manque de reconnaissance pour les docteurs en France. Ainsi, il semblerait que les docteurs soient considérés comme des « professeurs nimbus » qui n’auraient aucun sens de la réalité.
V/ Valoriser la recherche est pourtant très important dans l’économie de la connaissance
Ce manque de reconnaissance à l’égard des docteurs français n’est évidemment pas universel.
- Ainsi, en Allemagne, la reconnaissance socioprofessionnelle des docteurs est réelle. Et de là, l’Allemagne en tire un avantage concurrentiel. Car, valoriser les docteurs implique de valoriser la connaissance.
- Or, au moment où notre économie, entre, de plus en plus, dans une économie de la connaissance, il paraîtrait logique de valoriser davantage ceux qui font de la production de connaissances un choix académique et professionnel.
- Pourtant, quand on regarde le sort qui est réservé aux docteurs français, lesquels préfèrent tantôt s’expatrier aux États-Unis tantôt quitter du monde de la recherche, on est en droit de se demander si la France se donne véritablement tous les moyens pour entrer dans l’économie de la connaissance.
Voici ce qui résume les grandes lignes de mon échange avec Michel Prudhomme.
[…] Pour un article sur la difficulté de la France à conserver ses cerveaux, lire ce billet. […]