L’investisseur américain a beaucoup plus de capitaux à investir que l’investisseur français
Mais il y a une autre différence notable : l’investisseur américain a beaucoup plus de capitaux à investir que l’investisseur français. L’investisseur est donc prêt à investir dans une entreprise sans que celle-ci ne génère de revenus pendant deux ans. Conséquence ?
Le temps passant, des entreprises comme Piazza finissent par acquérir une réelle base d’utilisateurs, parfois plusieurs dizaines de millions. Ils développent une réelle connaissance de leurs clients et comprennent l’usage que leurs clients font de leurs produits. Celui-ci est donc amélioré en conséquence, c’est-à-dire en fonction de l’usage réelle que les clients font de leurs produits. Et, le temps passant, l’entreprise qui mettait son produit à disposition gratuitement, commence à faire payer l’accès à certaines fonctionnalités plus avancées. Et voici qu’une entreprise qui ne générait pas de revenus commence à générer un revenu certes très modeste si l’on regarde le revenu par utilisateur, mais qu’il l’est moins lorsque ce revenu par utilisateur est multiplié par la base d’utilisateurs qui se compte déjà en plusieurs millions.
Et c’est ainsi que l’entreprise conçoit un modèle d’affaires “scalable”
Autrement dit, l’anxiété des dirigeants pressurisés par des investisseurs ne les amène pas à concevoir de grands “Business Plan” avec des projections de revenus sur 5 ans ; il n’y a pas ce stress à vouloir dégager du profit tout de suite. Il n’y a pas non plus, pour corollaire, cette arrogance qui consiste à vouloir prédire l’avenir alors que l’entreprise évolue sur un nouveau marché et que les mouvements de la concurrence demeurent encore illisibles. Au contraire, j’ai trouvé chez les dirigeants des startups de la Silicon Valley une réelle humilité : celle qui consiste à penser qu’un “Business Plan” doit servir avant tout à apprendre : apprendre à connaître son marché, apprendre à connaître les besoins de ses clients, apprendre à anticiper la demande du marché plutôt qu’à prédire les revenus futurs comme une voyante avec sa boule de cristal.
Le résultat ? Aujourd’hui, la Silicon Valley compte plus de 50 entreprises pré-offre publique initiale valorisées à plus d’un milliard de dollars, d’après Vincent Worms, le Managing Director de Partech International, une société de capital risque basée en Californie et en Europe. Je répète: la Silicon Valleycompte 50 entreprises différentes pré-offre publique initiale valorisées chacune à plus d’un milliard de dollars. Et ce sont ces entreprises là qui seront les Microsoft, Apple, Amazon, Google, Facebook, Salesforce, LinkedIn et Twitter de demain ; ce sont ces entreprises-là qui seront pourvoyeurs d’emploiset de croissance.
Vous m’objecterez que nous avons également en France nos startups championnes, telles queDailymotion et Deezer, par exemple. Et j’accepte cette objection. Mais, si l’on regarde la tendance générale, on prend conscience que les ordres de grandeur demeurent incomparables.
Sources : Jean-Pierre Beylat, Pierre Tambourin, L’innovation, un enjeu majeur pour la France, page 49
Ce graphe montre qu’il y a un multiple significatif (entre 14 et “plus l’infini” selon l’année de création) si l’on compare le nombre d’entreprises françaises et américaines qui atteignent 100 millions d’euros de R&D.
A l’évidence, la France a su créer des géants mondiaux à la libération. Aujourd’hui, l’économie française place le plus grand nombre d’entreprises dans le Fortune 500 devant ses concurrents européens, tels que l’Allemagne, le Royaume-Unis, l’Italie et l’Espagne. Mais, paradoxalement, la France ne sait pas du tout transformer ses startups en de grands géants mondiaux. A l’inverse, les Etats-Unis, emmenés par le dynamisme de la Silicon Valley, y excellent.
Et ce savoir-faire américain est, pour partie, fonction:
- de la vitalité du capital-risque
- du temps que les investisseurs et les Startups se donnent pour peaufiner leurs innovations
- du temps que les investisseurs et les Startups se donnent pour trouver leurs modèles économiques
- du temps que les investisseurs et les Startups se donnent pour comprendre les attentes de leurs clients
- de la rapidité avec laquelle un modèle économique “scalable” parvient à générer des revenus conséquents
- de la capacité de la Silicon Valley à produire des Startups innovantes et profitables en grand nombre
- de la capacité de la Silicon Valley à produire à produire les géants mondiaux de demain
Voici donc la première idée qui m’est venue lorsque Jean-Yves Bruna m’a demandé ce que la France de l’innovation pouvait apprendre de la Silicon Valley. Et d’autres idées me sont venues encore… et celles-ci feront l’objet de prochaines tribunes.
Idées tout à fait intéressante qui ancrent la capacité d’innovation dans la culture d’innovation. Si elle est décelable au niveau d’un pays, une culture d’innovation ne peut cependant simplement se retranscrire au niveau d’une entreprise, il s’agit d’y impliquer un système plus global, qui relève du changement culturel pour d’autres pays. Comme vous le souligner, favoriser les investissements plus long-termistes, s’engager (y compris au niveau des risques financiers) sur une vision globale tout en restant ouvert à l’imprévu font partie des changements culturels voire politiques dont la France pourrait d’inspirer. Nous en faisons un écueil dans notre article sur l’agilité: http://weareinnovation.org/2014/11/03/we-are-innovation-because-we-are-agile/
Bonjour We Are Innovation !
Merci pour votre commentaire. Oui, effectivement réussir l’innovation un changement culturel, qui a également des implications dans notre culture d’investissement. Louis Gallois dit par exemple que l’épargne des ménages français est utilisé pour l’achat de sa résidence principale, alors que dans d’autres pays, comme en Allemagne, une partie de l’épargne des ménages est tournée vers l’investissement dans les entreprises.
Bravo pour vos articles sur We Are Innovation !
Guillaume