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Les secrets de la réussite de VeryChic


Charles Decaux - Cofondateur de VeryChic

Quelle fut la stratégie de développement de VeryChic, cette startup de l’hôtellerie, récemment rachetée par Accor? Comment passer de la feuille blanche à un intermédiaire reconnu? Quelle stratégie digitale? Comment fidéliser ses clients? Et comment développer la viralité de son entreprise? J’en parle avec Charles Decaux, cofondateur de VeryChic.

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Charles Decaux – cofondateur de VeryChic

Je suis un entrepreneur, passionné du web. J’ai commencé à coder des sites web à 16 ans.
Être capable de créer une interface, une communauté avec un simple clavier et une connexion internet, cela m’a toujours fasciné.  
J’ai suivi des études de gestion et de marketing qui m’ont permis d’avoir une approche globale des projets digitaux.
J’ai démarré ma carrière en 2004 chez PriceMinister (devenu Rakuten) dans l’équipe marketing puis au développement international. PriceMinister venait de lever 7 millions d’euros, c’était une levée très importante à l’époque ! Je travaillais avec des personnalités brillantes qui m’ont beaucoup appris.
Après 5 années extraordinaires, j’ai choisi de quitter Paris pour Barcelone. Peu après, je rencontrais mes futurs associés Hervé Lafont et Nicolas Clair avec lesquels nous avons lancé VeryChic, le site de ventes privées d’hôtels extraordinaires, acquis par AccorHotels en 2017.

Quelle est la proposition de valeur de Very Chic?

VeryChic propose une sélection d’hôtels extraordinaires en vente privée. Les hôtels que nous proposons se situent en France, en Europe et maintenant à travers le monde. Nous sélectionnons minutieusement les plus belles adresses du monde et vérifions qu’elles correspondent à nos critères d’exigence très stricts.

À cette curation, nous appliquons le principe de vente privée : nos membres s’inscrivent gratuitement et bénéficient de réductions allant jusqu’à -70% sur le prix public. Pour nos clients, c’est la garantie de trouver un hôtel exceptionnel à un prix défiant toute concurrence. Nous nous distinguons ainsi des plateformes de distribution classiques en nous différenciant sur la sélection et le prix.

Pour les hôteliers, nous offrons la possibilité d’améliorer nettement leur taux d’occupation, d’acquérir de nouveaux clients et leur donnons une visibilité exceptionnelle auprès de nos 8 millions de membres.

Comment attirez-vous les hôtels sur Very Chic ? … et comment attirez-vous les clients ?

Les hôteliers veulent être sélectionnés par VeryChic. Nous agissons comme un label. Nous recevons de très nombreuses demandes d’hôtels qui souhaitent être proposés sur notre site. Ils doivent passer nos critères de sélection afin d’être proposés à notre communauté.

Une fois la barrière de la sélection passée, ils bénéficient d’une mise en valeur unique : en premier lieu, nous réalisons une présentation soignée de l’hôtel avec de très belles photos. Ensuite, nous rédigeons un texte qui présente notre expérience subjective de l’hôtel. Les hôteliers sont très heureux de voir leur établissement mis en scène avec autant d’attention.

Enfin, nous permettons à l’hôtelier de remplir son établissement lorsqu’il en a besoin. Par le biais de ventes éphémères, nous envoyons l’offre à nos 8 millions de membres avec pour objectif de générer un nombre important de réservations. En quelques jours, l’hôtelier maximise son RevPAR (“Revenue per Available Room”).

Prenons par exemple Bruxelles. La ville propose de nombreux établissements 5 étoiles qui sont remplis à 100% la semaine lié à l’activité européenne de la ville. En revanche, le week-end le taux d’occupation est plus faible. Nous allons aider ces hôteliers à se remplir le week-end en proposant des prix attractifs et une exposition massive.

Côté clients, ils viennent assez naturellement chez VeryChic. D’abord pour la qualité de la sélection. Nous leur faisons gagner un temps fou. Nous leur garantissons que les hôtels proposés sont parmi les meilleurs de la destination qu’ils recherchent. Cela permet de gagner beaucoup de temps.
Ensuite, après avoir découvert notre curation, ils réservent sur notre plateforme car nous proposons les prix les plus attractifs. L’un ne va pas sans l’autre : la qualité de la sélection ne suffit pas, nous devons par ailleurs avoir les meilleurs prix pour que nos clients réservent chez nous. La vente privée voyage connait un véritable engouement en France. 

Comment avez-vous bâti la stratégie digitale de VeryChic ?

Au lancement de VeryChic, nous étions seulement 3 personnes et travaillions dans un co-working. Il fallait donc être efficace et se concentrer sur ce que nous savions bien faire : la sélection des hôtels et le marketing digital. Concrètement : faire grandir l’offre et la demande de notre plateforme à un rythme soutenu mais équilibré.

Ensuite, dès 2013, nous avons investi lourdement sur le mobile : site mobile, application iOS, application Android. Nous avons beaucoup travaillé pour devenir l’une des apps de voyage les plus téléchargées. À l’époque, nous étions un peu précurseurs. Le téléchargement d’application était assez peu onéreux et nous avons pu générer de très nombreux downloads rentables par ce biais.

En dehors du mobile, il y a 3 points principaux qui ont fait notre succès sur la partie digitale :

1/ La diversité de nos sources d’audience : de très nombreux canaux différents apportent de l’audience à notre site. Ainsi, nous ne sommes pas dépendants d’un seul fournisseur de trafic comme c’est le cas pour beaucoup de sites.
2/ La data : dès le début de VeryChic en 2011, nous avons investi lourdement sur la connaissance de nos clients par la donnée. Cela nous permet de mettre en oeuvre des stratégies de personnalisation et de ciblage très fines.
3/ La mise en oeuvre de très nombreux KPIs sur notre marketing d’acquisition et de fidélisation. Grâce à une mesure très fine de nos actions, nous avons réussi à investir dans les stratégies digitales les plus rentables.

Comment favorisez-vous la viralité digitale de Very Chic ?

Le meilleur outil de viralité reste avant tout la satisfaction du client. Un client heureux est souvent prescripteur de VeryChic, que ce soit online ou offline. Nous sommes très fiers d’avoir un NPS parmi les plus hauts de l’industrie.

Ensuite, nous essayons d’être présents là où sont nos clients : les réseaux sociaux, les messageries instantanées, l’email. Les réseaux sociaux sont naturellement un outil de viralité car les outils d’interaction et de partage sont nombreux. En avril 2019, nous sommes devenus la première agence de voyages en termes d’intéraction sur Facebook.

Depuis quelques mois, nous sommes présents sur WhatsApp, l’application incontournable de messagerie instantanée. C’est un territoire vierge pour les marques. Nous avons déjà plusieurs dizaines de milliers d’abonnés qui apprécient de pouvoir rêver en recevant nos meilleures adresses du moment.

Comment avez-vous séduit les investisseurs ?

VeryChic est autofinancé. Nous avons été très rapidement rentables.
En 2017, nous avons eu la chance de rejoindre groupe Accor, leader de l’hôtellerie. Accor avait besoin de nouveaux canaux pour distribuer ses hôtels. De notre côté, il était indispensable de nous adosser à un acteur puissant car la distribution hôtelière était en pleine concentration.
Accor nous a permis de passer à la vitesse supérieure en nous donnant un accès privilégié à l’inventaire d’hôtels exceptionnels du groupe.

Quels sont, à votre avis, les moments clés de la croissance de VeryChic: de la création à la cession ?

La croissance de VeryChic - Dates clefs - Charles Decaux
La croissance de VeryChic – Dates clefs – Charles Decaux

Aujourd’hui, 80% des startups échouent. Même les startups de série H n’ont que 30% de chances de trouver un acquéreur.
Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur pour qu’il maximise ses chances d’exit?

– S’inspirer de modèles qui marchent.
– Viser la rentabilité.
– Choisir un marché d’une taille importante.
– Se mettre dans la peau des clients.

Vous êtes un lecteur de 1200 milliards sur la table : comment les prendre, créer des emplois et faire de la France la Silicon Valley de 2030? (Michalon, 2018). Vous avez notamment relevé un passage portant sur la « marketing Nostradamus ». Vous estimez que le marketing a évalué de manière très scientifique. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Chez les marketeurs, le digital a fait évoluer notre métier en nous permettant de tout mesurer en temps réel. La mesure a permis de valider les intuitions et les hypothèses. Nous confirmons par la donnée.
Cela change enrichit considérablement notre métier de marketeur : nous devons non seulement être inventifs et enchanter l’expérience client, mais également savoir mesurer finement les résultats à travers la construction de bases de données, de tracking, d’analyses statistiques.


Quel est selon vous le vrai blocage en France ? Pourquoi la France peine-t-elle à s’imposer dans l’économie digitale ?

Nous avons tout de même de très belles réussites digitales en France comme OVH, PriceMinister, Criteo, Blablacar etc. Nous sommes un pays moteur dans la création de start-ups en Europe. Nous avons de très nombreux talents.

En revanche, le facteur handicapant des entreprises françaises face aux américains, c’est la taille de son marché. Le PIB des USA est 8 fois plus important que le PIB français. Une start-up qui se lance aux USA possède des possibilités de croissance naturellement plus importantes qu’une start-up qui se lance en France. En parallèle, on constate que le PIB européen est légèrement supérieur au PIB américain. L’avenir des start-ups françaises passe par leur développement européen mais ce n’est pas évident. Se lancer dans plusieurs pays européens demandent beaucoup d’efforts et de ressources. Il faut un financement important pour y arriver. Mais il faut rester optimistes, nous voyons de plus en plus de start-ups françaises réaliser des levées importantes pour devenir des leaders en Europe et ailleurs !

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