Catégories 1200 milliards sur la table : comment les prendre?, Lettre ouverte au Président

Innover suppose de dépasser les clivages et investir à long terme


Patrice Bernard - Credit photo - cestpasmonidee

Dans mon dernier livre, j’ai rédigé une lettre ouverte adressée au Président de la République Emmanuel Macron. Depuis, des innovateurs — à l’image d’Hervé Kabla, auteur de dix ouvrages sur l’innovation digitale et du blog Kablages et directeur de l’agence de communication Else&Bang, Louis Carle, fondateur du site Maddyness — me font part de leurs idées. Aujourd’hui, Patrice Bernard, consultant et spécialiste de l’innovation bancaire et auteur du site « c’est pas mon idée », partage ses convictions.

Les grandes écoles pourraient se montrer plus sensibles aux enjeux méritocratiques

Ces structures, à l’image de polytechnique, de centrales, HEC, de l’ESSEC, de Sciences-po et de l’ENA, sont des institutions qui se targuent de choisir les meilleurs candidats. Mais cette sélection demeure d’abord le fruit d’une appartenance sociale et culturelle plutôt que d’un quelconque mérite individuel, selon Patrice. D’ailleurs, ce système se transforme ensuite en une rente de situation. Ceux qui les intègrent se reposent sur la qualité de leur diplôme pour avancer dans leur carrière au lieu de chercher de nouvelles modalités de création de valeur. De là, une certaine forme de stagnation intellectuelle, un manque de curiosité et une aversion au risque.

Après cela, Patrice m’a parlé plus particulièrement des handicaps de l’innovation en France.

L’innovation en France pourrait progresser de multiples façons

D’abord, il s’agirait de se donner une ambition mondiale

Par ailleurs, dans la lettre ouverte au président de la République, Patrice considère que je pointe du doigt un certain nombre d’insuffisances. Mais il estime que celles-ci se trouvent aussi dans d’autres pays. Par conséquent elles n’expliquent pas le retard particulier que l’on aurait accumulé en France. Il cite notamment le manque de vision mondiale. En France, on a tendance à développer des produits pour l’hexagone d’abord, l’Europe ensuite et les continents asiatique et américain après. Selon Patrice, s’inspirer d’entrepreneurs américains qui ciblent, dès le début, un marché mondial est recommandé.

Ensuite, oser prendre des risques s’annonce déterminant

Beaucoup d’acteurs économiques rechignent à prendre des risques. Par exemple, Patrice me cite le cas de sa formation. Diplômé de Centrale Lyon, il ne se souvient pas qu’on lui ait lui parlé de création d’entreprise. Il allait de soi, à cette époque-là, que ses camarades de promotion rejoindraient une organisation établie pour y faire carrière. Patrice évoque également l’INRIA où on trouve parmi les experts de l’intelligence artificielle les plus reconnus. On les encourage à fonder leurs propres startups. Beaucoup s’y attèlent, en effet. Mais ils ne conduisent pas d’analyse financière de marché, ne rencontrent pas leurs clients et ne conçoivent pas un quelconque modèle économique. Quel résultat ? Si on mesure aujourd’hui le nombre d’entreprises qui ont plus de cinq ans et qui sont issues d’une équipe de l’INRIA, on n’en détecte pratiquement aucune.

En outre, s’intéresser à l’application de la technologie plutôt qu’à la technologie elle-même reste nécessaire

Quand on présente d’intelligence artificielle en France, on évoque l’école mathématique française, les chercheurs, alors que dans d’autres pays on parle des applications concrètes. De tels propos annoncent déjà la conception de produits techniquement fantastiques mais qui ne trouveront pas de marché à l’image de l’A380.

Par ailleurs, innover suppose un calcul financier différent que celui de l’excellence opérationnelle

Enfin, depuis la Belle Époque, les entreprises européennes s’évertuent à optimiser leurs opérations pour enregistrer un gain financier à court et moyen terme. Mais, réussir l’innovation demande davantage de temps. Les résultats n’apparaissent pas de manière immédiate. Beaucoup de startupeurs en France ne se rendent pas d’ailleurs compte du temps nécessaire au lancement d’une entreprise. Les sacrifices humains et familiaux sont élevés. Une étude du cabinet Exton réalisées en partenariat avec Finance Innovation montre que, 5 ans après leurs créations, 50 % des startups de de la Fintech génèrent moins de 300 000 € de chiffre d’affaires.

Fintech France - Credit Photo - Exton Consulting - Finance Innovation
Fintech France – Credit Photo – Exton Consulting – Finance Innovation

Beaucoup dans la presse s’en sont émus pointant du doigt le manque de perspectives de développement et de croissance. Mais selon Patrice, ces résultats sont raisonnables. Les entrepreneurs ont besoin de temps pour gagner la confiance de leurs clients.

Enfin, passer d’une logique de copie à un désir de création s’annonce déterminant

Enfin, nous avons parlé du déficit d’imagination. Celui-ci provient d’un décalage entre ceux qui se lancent dans la création de startups et ceux qui ont des idées. Très souvent, les entrepreneurs de l’Hexagone se contentent de reproduire des modèles qui fonctionnent ailleurs sans y apporter la moindre nouveautés. A l’heure actuelle, les startups des robots Advisor copient ce qu’on met déjà au point aux États-Unis. Il est vrai que de ce point de vue là, le déficit de l’imagination paraît réel. D’où vient-il ? Celui-ci est issu du manque de fertilisation croisée notamment entre les parcours commerciaux et ceux de recherche. La déconnexion demeure totale. Créer davantage de passerelles s’annonce déterminant.

Il estime aujourd’hui que l’innovation française pourrait gagner à concevoir des produits ciblant un marché mondial. Mieux articuler la recherche avec la concrétisation commerciale et financière s’avère nécessaire.

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