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L’évolution du contexte réglementaire bancaire amène les banques à accélérer leur digitalisation (1/2)


Frederic CHAMPION

Pourquoi la question de la digitalisation des banques se pose-t-elle? Elles subissent un bouleversement sans précédent, issu d’un contexte économique difficile, de contraintes réglementaires qui ne cessent de s’amplifier et d’un marché arrivé à maturité. Transformer la banque paraît plus que jamais nécessaire. Telle est tout du moins la conviction de Frédéric Champion que j’ai rencontré récemment.

I/ Le contexte bancaire reste difficile

Présentation de Frédéric Champion

Ingénieur généraliste, diplômé de l’ENSTA et EM Lyon, Frédéric CHAMPION a démarré sa carrière à la division internationale de la Française des Jeux.

Grâce à son expérience cross sectorielle dans le numérique et les nouvelles technologies, notamment en tant que directeur des programmes de transformation chez Bouygues Telecom et directeur Open Innovation du groupe BPCE, il a acquis un savoir-faire dans le développement d’activités et la transformation d’entreprise, toujours avec l’objectif de créer de nouveaux produits et services et d’améliorer l’expérience client, en utilisant les leviers de l’innovation.

A travers son agence « d’innovation value management » IN2MOVE, il accompagne désormais les entreprises dans le développement de leur performance et la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques « user-centric ».

Un contexte économique difficile

Les taux restent très bas avec, en plus, un effet ciseaux puisqu’il y a une forte probabilité que les taux remontent (les banques ont prêté de l’argent pas cher et doivent le rembourser à des taux plus élevés).

 

De plus, du fait de nouvelles réglementations, telles que bale 2, bale 3, BCBS 239, les banques ont désormais une obligation en termes de gouvernance de données. Répondre à toutes demandes de reporting dans un délai de 3 à 5 jours parait désormais nécessaire. Ceci nécessite la refonte des systèmes d’information et la mise en place d’une gouvernance de la donnée répondant à de fortes exigences en termes de qualité et complétude. A titre d’exemple, les réseaux des banques populaires et des caisses bancaires ont des systèmes d’information différents, avec des modèles de données et paramétrages spécifiques, ce qui rend la convergence encore plus difficile.

Un marché mature

Dans les tendances globales, la France fait face à un marché bancaire très mature. Selon la Fédération bancaire française, 99% des Français possèdent au moins un compte bancaire, courant ou d’épargne. C’est 30 points, environ, au-dessus de la moyenne mondiale, et légèrement au-dessus de la moyenne européenne. Les perspectives de développement de PNB sont assez limitées dans ces conditions.

L’arrivée de nouveaux acteurs

La notion d’oligopole bancaire est de plus en plus attaquée par le régulateur, notamment avec la libéralisation du marché à travers les directives DSP, ce qui favorise la progression des Fintechs et des financements non bancaires. Dans ce contexte, les banques doivent apprendre à coopérer avec ces nouveaux acteurs autrefois vus comme des menaces.

Par ailleurs, il y a aussi une intensification de la concurrence avec les néo-banques, les pure-players, les Fintech…

Enfin, Les habitudes des clients ont changé et réclament une expérience enrichie et intuitive, digne des grands leaders du marché comme Google, Amazon, UBER… qui nécessite de repenser les processus internes de l’entreprise.

II/ L’enjeu de la transformation

Cet enjeu de transformation est fonction du marché et des opérations ainsi que de l’organisation et de la diffusion des technologies digitales.

Devenir leader de la satisfaction client

Les banques françaises ont globalement la même vision, la même stratégie. Toutes veulent devenir le leader de la satisfaction client, en développant la proximité avec leur client. Conscientes du tabou vis-à-vis de l’exploitation des agences — en particulier celles qui sont dans les zones moins denses — les banques cherchent à trouver les modalités pour un redéploiement et une redistribution des ressources sur le territoire. Par exemple, BPCE redéfinit le maillage pour être à moins de 10 minutes d’une agence en zone urbaine, et à moins de 20 minutes en zone rurale. Une autre option, inenvisageable pour l’instant, viserait la co-localisation des agences sur un même lieu physique, ce qui reviendrait à mettre La Banque Populaire et la Caisse d’Épargne sur une même agence. Pourquoi pas ?

Des conseillers plus réactifs et plus efficaces

En matière de conseil, la garantie d’accès à un conseiller pertinent et efficace demeure critique. Très loin des standards de relations clients telles qu’on les connait dans le secteur de la grande distribution ou dans d’autres industries, les banques travaillent à la transformation profonde de leur relation client pour arriver au standard des acteurs du retail ou des télécoms. Actuellement, elles parviennent à répondre à moins de 50% de leurs clients qui les appellent par téléphone — ce qu’on appelle le « taux de décroché » — ce qui reste faible. Les notions de délais moyens de traitement (« DMT ») ne sont pas encore connues de tous. La capacité à répondre aux questions du client de manière correcte dès la première demande — « first and done » — n’est pas encore suffisamment observée. Enfin, la capacité à répondre à un mail en moins de 4 heures ne relève pas encore d’une pratique systématique.

 

Aujourd’hui, les conseillers doivent gérer un imposant portefeuille de plus de 800 de clients, alors que chacun a des besoins particuliers, une attente singulière et une relation à la banque différente. Certaines banques ambitionnent de pouvoir donner un accès à certains services (comme une demande de carte, de chéquier) à 6 jours sur 7 et en horaire étendu jusqu’à 22h.

 

Une enquête d’Oliver WYMAN a mis en évidence un double constat : Les banques de détail traditionnelles sont de plus en plus indifférenciées et considérées comme étant chères et de qualité moindre pour le service délivré, même si certaines comme le Crédit Mutuel restent très réputées en matière de satisfaction client. En revanche, les banques 100% digitales délivrent un service considéré de meilleure qualité pour un coût moindre. Les clients abonnés à ces banques les recommandent nettement au regard du potentiel commercial supérieur, du lien émotionnel renforcé et d’une fidélité accrue. « Au final, les banques digitales, tout en développant un nouveau référentiel qualité prix, changent la donne et instaurent un taux de recommandation de référence plus élevé. »

Engager une transformation pour aider les conseillers, repenser les agences, développer les canaux digitaux (mobiles, site web…) et la plateforme multimédia paraît nécessaire.

La situation paradoxale des agences

Les clients utilisent de plus en plus les canaux digitaux pour gérer les actes bancaires simples. Une étude de DELOITTE a démontré moins de 45 % des clients particuliers se rendent dans une agence pour souscrire un crédit immobilier ou réaliser une autre opération complexe, contre 57 % en 2014. 82 % des Français privilégient aujourd’hui l’Internet fixe ou mobile pour consulter leurs comptes, contre 13 % l’accès en agence.

Toutefois, malgré la raréfaction de la clientèle dans les agences, la charge des équipes en agence reste particulièrement soutenue : ceci s’explique par l’imposant portefeuille de clients par conseiller, une offre pléthorique (jusqu’à 800 offres par banque) et une complexité des processus opérationnels, souvent liés au respect des contraintes réglementaires et de conformité. Simplifier le modèle d’offres bancaires pourrait constituer une solution, mais cette voie reste, considérant que la richesse et la personnalisation des offres constituent aussi un avantage concurrentiel.

Renforcer le marketing

Ces dernières années, les banques se sont particulièrement concentrées sur la transformation digitale du marché des « Particuliers », en privilégiant le selfcare et autonomie client. Elles remettent désormais l’emphase sur le marché « Entreprises » (B2B) :

  • Digitalisation de processus : digitaliser la création d’un nouveau compte Entreprises et de gestion des KYC
  • Outils de mobilité pour les commerciaux
  • Selfcare et Hub digital de services, pour souscrire facilement à partir de l’espace client
  • Digitalisation des offres PRO : solutions d’acceptation omni-canal pour les commerçants et entreprises…
  • Banque digitale pour les collectivités locales

Par ailleurs, le marketing digital en tant que tel demeure tout à fait embryonnaire pour ne pas dire inexistant. Les banques accusent d’un retard significatif par rapport au marché. Elles doivent développer relation client et commerciale personnalisée et proactive, qui s’appuie notamment sur l’écoute et l’analyse des signaux faibles du comportement des clients, tous canaux confondus. Ceci induit une transformation non seulement informatique (mise en place de plateformes DATA, CRM digital, DMP…) mais aussi organisationnelle.

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