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La révolution numérique engendre cinq changements dans la relation client, selon Jean-Philippe Vanot – 1/2


De quelles façons le numérique réinvente-t-il la relation entre les entreprises et les clients? Comment les entreprises doivent-elles s’adapter à une technologie, telle qu’Internet, qui permet de démultiplier les contacts entre clients et entreprises? Voici quelques-unes des questions que Jean-Philippe Vanot et moi-même avons évoquées au cours d’une récente discussion.

I/ Présentation de Jean-Philippe Vanot

Jean Philippe Vanot -
Jean Philippe Vanot – Président de ParisTech

Diplômé de l’École polytechnique (X72) et de Télécom ParisTech (1977), Jean-Philippe Vanot entre chez France Télécom en 1977. Parmi les différentes fonctions qu’il occupe au sein du groupe, Jean-Philippe Vanot est notamment responsable des réseaux et systèmes d’information puis directeur exécutif en charge de l’innovation et du marketing. En 2010, il devient directeur général adjoint en charge de la qualité et de la responsabilité sociale d’entreprise. Il préside par ailleurs le comité de déontologie ainsi que le comité qualité du groupe. Il prend sa retraite d’Orange en décembre 2013.

Jean-Philippe Vanot a été élu à la présidence de ParisTech à compter du 1er septembre 2013. Il est également président du comité du MEDEF relation avec les consommateurs et administrateur du CELSA Université Paris Sorbonne. Enfin, il est Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier de l’Ordre national du mérite.

II/ Le marketing client devient multicanal

Par le passé, la relation avec le client s’est construite par le moyen de plusieurs canaux : le canal physique, le canal téléphonique, les canaux digitaux (sites entreprises, réseaux sociaux…) L’ensemble de ses canaux ont fonctionné de façon autonome, notamment parce que ces canaux requiert :

  • des logiques différentes
  • des critères de performance différents
  • des moyens différents
  • des compétences différentes

Par conséquent, dans un souci d’optimisation, les entreprises ont eu tendance à confier chaque canal à une équipe dédiée.

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“Du point de vue du client, il n’y a pas lieu de parler d’une multiplicité de canaux”

Mais, du point de vue du client, l’entreprise est une et indivisible. Orange, c’est Orange. Aller sur le site Internet d’Orange ou bien aller dans un magasin Orange ou bien parler à un conseiller Orange par téléphone, c’est pareil. A chaque fois, on a affaire à Orange. De fait, 80% des personnes qui se rendent dans une boutique Orange sont allées au préalable sur le site Orange.com. Ce qui importe pour le client c’est de régler son problème, de trouver la réponse à sa question, quel que soit le canal utilisé. Le client ne pense pas en terme de « canaux de communication ». Et, de façon plus générale, le client a une appréciation très large de ses relations avec l’entreprise. Il est en relation avec l’entreprise quand :

  • Il reçoit une facture
  • Il voit une publicité
  • Il entre dans une boutique
  • Il est en contact avec un conseiller par téléphone

Par conséquent, du point de vue du client, il n’y a pas lieu de parler d’une multiplicité de canaux. Il y a seulement une entreprise. Or, il se trouve que le digital rend possible une meilleure relation client multicanal. À titre d’exemple, un vendeur de vêtements permet aujourd’hui à ses clients d’acheter un vêtement sur le site de l’entreprise et de l’essayer dans une des boutiques de l’entreprise. Si jamais le vêtement ne correspond pas aux attentes du client, il peut se faire rembourser dans la boutique où il a essayé le vêtement alors même que l’acte d’achat n’a pas eu lieu dans la boutique mais sur le site internet de l’entreprise. Cet exemple laisse supposer qu’une relation multicanale devrait s’accompagner d’un compte de résultat unifié, pour que chaque canal ne soit pas en concurrence interne avec d’autres canaux.

Un dernier point : l’essor du digital dans la relation client ne veut pas dire que les clients ne veulent plus de contact humain. Au contraire, le contact humain est capital. Selon Jean-Philippe Vanot, le client souhaite pouvoir entrer en contact avec un responsable aux moments critiques de l’expérience d’achat. C’est pourquoi, une entreprise comme Amazon, est en train de développer une nouvelle fonctionnalité : « Click and Connect ». Le client entre directement en relation avec un responsable d’Amazon qui lui parle dans la langue maternelle du client.

III/ La symétrie des attentions

La symétrie des attentions désigne simplement le fait que l’attention qu’une entreprise porte à ses clients doit être la même que celle portée à ses employés. Derrière ce qui me semble être une pétition de principe, il y a l’idée qu’un employé qui vend des outils, des produits ou des services innovants doit disposer, lui-même, des outils, services et produits innovants. Autrement dit, il doit y avoir une symétrie. Or, souvent, une telle symétrie n’existe pas.

Sur ces dernières années l’attention des directions marketing s’est portée à juste titre sur l’amélioration des parcours client. Le résultat, c’est que les grandes entreprises industrielles ont fait d’énormes progrès en matière de parcours client. Mais, un tel effort n’a pas toujours été déployé à l’encontre des employés. C’est pourquoi, aujourd’hui, les employés disposent souvent d’outils vétustes pour vendre des outils innovants.

Schéma expliquant la symétrie des attentions
Schéma expliquant la symétrie des attentions

Ceci crée un contraste entre l’obsolescence des outils utilisés par les employés et la modernité des outils vendus aux clients. Ce contraste entraîne un certain nombre de questions qui peuvent parfois freiner la vente.

  • Les clients se demandent : Pourquoi les employés qui vendent des outils innovants utilisent-ils des outils dépassés ? Est-il vraiment utile de se procurer la dernière version, la dernière gamme, le dernier modèle, la dernière innovation, si les vendeurs ont recours à des outils beaucoup plus anciens ?
  • De la même façon, les employés se posent des questions telles que : les produits innovants que je vends toute la journée, ont-ils vraiment la valeur que je leur prête, si, dans mon quotidien, je finis par m’en sortir avec des produits moins modernes et moins onéreux ?

Autrement dit, l’expérience de travail des collaborateurs de l’entreprise doit être une sorte de vitrine commerciale. Les collaborateurs de l’entreprise doivent être les ambassadeurs des innovations. Pour le dire encore autrement, les collaborateurs de l’entreprise doivent être ceux qui mettent en scène l’usage de ces nouveaux outils. Ils doivent rendre compte, par l’usage effectif qu’ils font des nouveaux outils, du nouveau mode de vie qui est le leur. Il s’agit d’une question de crédibilité.

 

Lectures complémentaires

  • Pour une discussion sur la façon dont innovation et quotidien des clients sont corrélés, lire cet article.
  • Pour un exposé sur la façon dont Bouygues Télécom se sert de son analyse client pour innover, se rendre ici.
  • Pour un contrepoint intéressant sur la symétrie des attentions par Jean Jacques Gressier, président de l’Académie des Services, lire ce billet.
  • Pour un exposé sur d’autres changement de la relation client à l’ère du digital, se rendre à cette adresse.

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