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La fonction RH doit devancer la transformation digitale : une discussion avec Ludovic Guilcher, directeur Groupe adjoint chez Orange


Ludovic Guilcher, directeur Groupe adjoint chez Orange

Quels sont les enjeux de la direction des ressources humaines au moment où la transformation digitale modifie non seulement le partage de la valeur dans l’ensemble des secteurs industriels mais aussi change l’appareil de production des entreprises établies ? Comment la fonction ressource humaine accompagne-t-elle ces changements ? Voici quelques-unes des questions que Ludovic Guilcher, directeur délégué à la direction des ressources humaines chez Orange, et moi-même avons évoquées au cours d’un entretien récent.

 

I/ Présentation de Ludovic Guilcher

Ludovic Guilcher est directeur délégué à la direction des ressources humaines groupe, auprès de Bruno Mettling chez Orange. Ancien élève d’HEC, titulaire d’un master CEMS et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées de fiscalité internationale, il a commencé sa carrière à la Société Générale au sein de la filiale de Milan puis de Londres(1997-1999). Consultant en stratégie chez Braxton (Deloitte Consulting) de 1999 à 2003, il est devenu manager chez McKinsey & Company (2004 à 2007). Passé conseiller auprès du cabinet d’André Santini au secrétariat d’État chargé de la fonction publique de novembre 2007 à février 2009, il est en devenu directeur adjoint. Il rejoint ensuite le cabinet d’Eric Woerth au ministère du Budget, des comptes publics, de la Fonction publique et de la réforme de l’État, en tant que directeur adjoint. En 2010, il devient directeur adjoint du cabinet de François Baroin au ministère du Budget, des comptes publics, de la Fonction publique et de la réforme de l’État. Depuis juillet 2011, il occupait les mêmes fonctions au sein du cabinet de Valérie Pécresse, ministre du Budget, des Comptes publics, et de la Réforme de l’État.

 

 

II/ Les enjeux de la fonction RH : accompagner la transformation digitale

À la demande de Bruno Mettling, Ludovic a regardé comment conduire la transformation de l’entreprise par les RH. Or, souvent, les RH sont en aval des transformations digitales et non en amont. Donc, comment s’assurer que la fonction RH soit en amont de la transformation digitale ? Comment peut-elle accompagner la transformation digitale tout en se transformant elle-même ?

 

Il faut à la fois s’inspirer de la Silicon Valley ainsi que des métiers en relation avec le client, ces derniers étant en avance par rapport à la fonction RH. Le salarié se comporte de plus en plus comme il se comporte en tant consommateur. Il veut pouvoir faire davantage de choses avec son mobile, comme il fait dans sa vie personnelle. S’appuyer sur les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, Instagram paraît également nécessaire. Enfin, un autre enjeu consiste à créer une relation très personnalisée grâce au big data. Les clients sur Amazon se voient proposer des produits qui sont cohérents avec ses goûts. Le même individu — salarié chez Orange depuis 20 ans — ne s’est pas vu proposé une formation cohérente avec ses goûts, de manière digitale.

 

III/ Les risques encourus par la fonction RH : l’ubérisation

Le premier risque proviendrait du fait que ces savoir-faire technologiques, en matière de personnalisation des services, de réseaux sociaux, soient utilisés par un acteur externe pour servir les salariés d’Orange. Car, il paraît possible que toutes ces offres puissent, un jour, s’appliquer directement au salarié d’Orange. La fonction RH pourrait alors être ubérisée. Aujourd’hui, 85 000 des 150 000 salariés d’Orange sont présents sur LinkedIn. Grâce à Linda (racheté par LinkedIn), le réseau social professionnel peut proposer des formations sur-mesure et digitalisées. Or, la fonction RH ne peut pas le faire, à l’heure actuelle.

 

Deuxième exemple : Kudoz. Cette application pousse aux salariés des offres de job, lesquels peuvent postuler… en un clic, sans avoir recours à des CV ou des lettres de motivation. Demain ce type de solution pourrait proposer des services de mobilité interne, ce qui ubérise davantage la fonction RH.

 

 

IV/ Répondre à aux enjeux RH : rendre un service personnalisé aux salariés

La fonction RH doit être capable de rendre un service personnalisé pour répondre à la concurrence. Pour cela, plusieurs innovations :

 

Premier enjeu : les outils.

L’outil « mes compétences » permet de cibler une compétence particulière, telle que la compétence « big data » ou la compétence « relations sociales ». On crée un pool de salariés disposant de cette expertise. Autre outil « mon itinéraire » : partant de son job, on explique au salarié quelle est la différence entre ses compétences et les compétences requises pour obtenir le job.

 

Deuxième enjeu d’innovation : l’un des rôles de la RH consiste à assurer l’adhésion à un projet d’entreprise.

Le rôle ne se résume pas à assurer un service personnalisé mais à engager de façon collective. Pour cela, la fonction RH doit réinvestir des éléments collectifs, tels que le réseau social. Il faut déployer un réseau social pour aider les salariés à mieux réaliser les missions. Par exemple, les commerciaux ont recours au réseau social pour trouver une réponse à une question client. Les RH doivent accompagner l’effort de modernisation.

 

Troisième enjeu d’innovation : les espaces de travail.

Chez Google, l’espace de travail est un espace de liberté, de divertissement, de jeux : d’où la création de « Villa Bonne Nouvelle » accueillant des salariés internes, des indépendants, des startups. On regarde comment l’espace de travail évolue en mixant ses populations, en déplaçant les meubles, en encourageant le télétravail. Les résultats sont là : une équipe projet « Orange et moi » utilisant cet espace de travail a livré son projet avec un mois d’avance, une qualité d’exécution remarquable (4,5 étoiles) et une satisfaction de 95 % des collaborateurs.

 

Quatrième enjeu d’innovation : les formations.

50 % des formations Orange doivent avoir un module digital. Sur chaque formation, il est demandé aux formateurs de réfléchir au véhicule de formation le plus adapté. Parfois, le digital permet d’apporter quelque chose de supplémentaire par rapport aux dispositifs existants ; parfois, recourir au digital n’apporte rien de mieux. Par exemple, pour faire un brainstorming ou pour améliorer les échanges interrelationnel, le digital ne convient pas. En revanche pour l’acquisition de savoirs techniques, le digital se révèle précieux. Donc, il s’agit de combiner avec pertinence les avantages du présentiel avec les avantages du digital.

 

 

En résumé : La fonction RH doit accompagner la transformation digitale

Les risques encourus par la fonction RH concernent notamment l’ubérisation. Pour répondre aux enjeux RH consiste à rendre un service personnalisé aux salariés d’Orange. Pour cela, on peut s’appuyer sur :

  • les outils digitaux
  • l’adhésion à un projet d’entreprise
  • des espaces de travail innovants et collaboratifs
  • des formations adaptées.

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