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Innovation : les résistances au changement, une discussion avec Annie Longeot, fondatrice de Rondement Carré


Annie Longeot a créé Rondement Carré en 2010 pour accompagner les entreprises dans des process de développement ou de transformation. Alors que l’innovation est sur toutes les lèvres pour penser de nouveaux enjeux en termes de management ou d’approches des usages de consommation, elle nous explique quelles sont encore les résistances qui ralentissent, en France, la transition massive des business model.

1/ En amont du changement, les process de créativité

Annie Longeot - Créatrice de Rondement Carré
Annie Longeot – Créatrice de Rondement Carré

Il n’y a pas d’innovation sans créativité et inversement. Pour accompagner ses clients, Annie Longeot les amène à considérer leur problématique autrement, à sortir de leurs réflexes. Elle utilise plusieurs méthodologies comme celles dites « de détour », ou met en place un travail de re-ingeniering systématique, de « concassage ». Ce travail consiste à casser, lors d’ateliers, la problématique en différents morceaux qui seront déformés, réorganisés ou combinés avec d’autres éléments. Il paraît en effet difficile de se lancer dans des transitions de type « servicisation » ou « jobs to be done » sans se passer d’une refonte des perspectives. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui car cela suppose de « l’efficacité inattendue », comme dirait Edward de Bono à propos de la créativité. Est-ce que les entreprises sont prêtes à augmenter la part de risque dans leurs investissements? La montée en puissance des modélisations concernant la servicisation tels que le programme ServINNOV ou l’approche GRAI concernant les process décisionnels, indique que des indicateurs pour mesurer et piloter ces transitions restent nécessaires pour rassurer les dirigeants.

Schéma Macro-processus et horizons de décision
Schéma Macro-processus et horizons de décision

La balance créativité / modélisation serait donc à même de faire sauter certaines résistances économiques. Cela donne également à des grosses structures de l’agilité telle que le proposent des méthodes de type lean-startup. Ces méthodes permettant très rapidement à une idée de devenir une innovation répondant à la définition qu’en fait Annie Longeot : une idée qui rencontre son usage.

2/ L’innovation peut-elle faire l’économie d’un changement des modèles de collaboration ?

Le manque d’implication des collaborateurs est également un des freins qui se pose pour aborder l’innovation. En tant que consommateurs, ils sont pourtant mis en centre des process de consommation et sont considérés comme co-créateurs des offres. En tant que collaborateurs, comment ignorer qu’ils vont souhaiter transposer ces attitudes au sein de leurs entreprises ?

Annie Longeot explique en effet que dans un univers devenu très complexe (mutations rapides des attentes du marché, augmentation de la concurrence, pouvoir accru des consommateurs…), le fait d’utiliser ses collaborateurs comme autant de capteurs d’information pour s’adapter rapidement serait un vrai atout.

Mais elle précise que le développement de cette souplesse collaborative, de cette intelligence collective demande une transformation de fond, qui nécessite la mobilisation de l’ensemble de l’organisation, la transformation de paradigmes, et en particulier du rôle du management. Or, il y a en France de fortes résistances avec une vision du management assez conservatrice et un contexte économique actuel qui ne pousse pas toujours à investir sur de l’innovation managériale.

Elle estime donc qu’il y a aujourd’hui plus de bruit et d’appétence déclarée autour de ces process collaboratifs, que de passages à l’acte du fait de ces résistances humaines et financières et de la complexité de l’exercice.

La collaboration est
Il existe une vraie demande collaborative dans les départements RH

Ceci étant, outre les départements R&D, Annie Longeot reçoit, effectivement, des demandes provenant des départements de ressources humaines qui souhaitent mettre en place des systèmes d’inclusion collaboratifs au sein de leurs équipes. Annie Longeot travaille alors avec des directions générales de PME qui souhaitent réfléchir différemment à leurs stratégies de développement. En effet, les process de transitions passent avant tout par une réflexion sur l’identité des entreprises, leur ADN, qui doivent être portés par la direction générale et participer de la stratégie de l’entreprise au risque de s’essouffler. Annie Longeot précise que tant que les projets restent liés à des personnes plutôt qu’à une réelle stratégie, leur survie est sporadique.

Alors, la mutation des entreprises pourrait-elle être à la hauteur de ces challenges? Annie Longeot nous invite à regarder du côté de l’innovation frugale. Elle explique qu’il s’agit de repartir du besoin du client, d’intégrer la contrainte financière, matérielle, à la construction des offres et d’inclure les publics marginaux (donc la diversité). La créativité et l’innovation sont nécessaires dans ces modèles économiques tout en étant en prise avec les réalités du terrain et en se servant de ce qui existe déjà. Cela correspond à une nouvelle économie qui permet à tous de participer et d’être au plus proche des besoins de chacun.

Article rédigé par Yaël Bouvier.

 

Lectures complémentaires

  • Pour un article qui explore plus en avant la façon dont la créativité peut se transformer en un actif immatériel, consulter cette page.
  • Pour une réflexion sur la façon dont la créativité peut participer à la création de valeur, voir ici.
  • Pour un exemple d’innovation frugale appliquée au développement durable, lire ce billet.
  • Pour une explication du design management qui consacre l’innovation collaborative, se diriger vers cette page.

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