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Le Lean Startup appliqué : une discussion avec Guillaume Fradet, fondateur d’Expert Council


Comment appliquer le Lean Startup lorsqu’on cherche à créer son entreprise ? Comment mettre en œuvre de façon opérationnelle la méthodologie du Lean Startup ? Telles sont les questions que Guillaume Fradet, fondateur d’Experts Council, et moi-même avons évoquées.

 

I/ Présentation de Guillaume Fradet

Guillaume Fradet, Fondateur et DG d'Expert Council
Guillaume Fradet, Fondateur et DG d’Expert Council

Diplômé de l’ESSEC, Guillaume Fradet a eu une carrière en marketing chez Procter & Gamble avant de rejoindre SFR, en qualité de directeur général adjoint des activités B2B. Il quitte le groupe SFR pour co-créer sa propre entreprise : « where’s Jenny ? » , qui propose des cours d’anglais low-cost via Skype.Il investit une certaine somme pour jeter les bases de l’entreprise, mais le chiffre d’affaires de l’entreprise atteint un plateau. L’une des raisons pour lesquelles l’entreprise peine à développer son chiffre d’affaires est que le marché ciblé est trop coûteux à développer. En effet, « where’s Jenny ? » propose des cours d’anglais au grand public qui a des coûts d’acquisition élevés (adwords), alors même que le marché le plus porteur était sans doute le marché des entreprises.

Guillaume Fradet rejoint alors le groupe Pages Jaunes. Et à ce moment-là, trois choses convergent dans sa vie professionnelle :

  • Il attrape le virus de la création d’entreprise
  • Il découvre le Lean Startup
  • Il entre en discussion avec un fond d’investissement américain, par le biais d’une plateforme de mise en relation avec des experts

 

II/ Le phénomène déclencheur

Peu de temps après avoir quitté SFR, Guillaume Fradet est contacté par un fond d’investissement qui s’intéresse de près à l’acquisition d’une entreprise qui vend des services d’assurance dans le secteur de la téléphonie. Avant de conclure la vente, le fond d’investissement est entré en contact avec des experts du marché français de la téléphonie mobile, et notamment avec Guillaume Fradet pour sa connaissance de la distribution telecom en France (les assurances sont en effet vendues dans les magasins de téléphonie). Le fonds d’investissement veut en effet creuser ce dernier point dans le cadre de ses due-diligences.

L’affaire semble sur le point d’être conclue, mais le fonds d’investissement, par acquis de conscience, creuse à travers quelques interviews téléphoniques avec G. Fradet la segmentation de la distribution télécom, les structures de marge, en des scénarios d’évolution du marché. Les données chiffrées qui sont en possession du fonds d’investissement sur la société-cible laisse entrevoir une pépite, lorsque Guillaume Fradet, lors d’un dernier entretien, sensibilise le patron du Fond sur l’impact de l’arrivée de Free sur la distribution en magasin, et en particulier sur le principal canal d’acquisition de la société d’assurance que sont les chaînes dites « ouverte à la concurrence » (en opposition aux magasins d’opérateurs).

Guillaume préconise donc d’être extrêmement vigilant sur la valeur l’entreprise d’assurance convoitée au vu des conséquences importantes à prévoir de l’arrivée d’un nouvel entrant. Réticent au départ, le patron du fonds d’investissement se laisse pourtant convaincre et décide même d’abandonner l’affaire. 6 mois plus tard, Free arrive de façon fracassante sur le marché, 12 mois plus tard, Phone House, premier distributeur de la société d’assurance, met la clé sous la porte … Le fonds a ainsi a économisé 20 millions de dollars, notamment en utilisant les connaissances d’experts des télécoms français.

Cette expérience marque un tournant pour Guillaume : beaucoup décisions d’investissement très importantes sont faites sur la base de données chiffrées et sur la base d’études de marché quantitative. Mais, celles-ci ne donnent qu’une vision parcellaire de la réalité. D’où la pertinence de ce service de mise en relation avec des experts pour donner une vision du business au-dela des chiffres et permettre à des clients de monter très vite en compétences.

Voulant de nouveau créer une entreprise, Guillaume envisage alors de créer une entreprise de mise en relation d’experts avec des décideurs économiques.

 

III/ La création d’une entreprise d’expert : application du Lean Startup

Pour créer cette entreprise, Guillaume s’appuie sur les méthodes du Lean Startup. Comme évoqué dans d’autres billets sur ce blog, le Lean Startup part du principe qu’il faut absolument tester les hypothèses de son modèle économique avant de les mettre en œuvre effectivement. Le Lean Startup pose comme principe fondamental que la raison d’être d’une startup c’est de découvrir rapidement son modèle économique, plutôt que du perdre du temps à développer en chambre pendant de longs mois (ce qui coûte temps et ragent).

L’ensemble des ressources de la startup doit donc être tournée au départ vers la découverte de son modèle économique, plutôt que dans la mise en œuvre, comme c’est le cas pour les entreprises établies, ayant trouvé leurs business-models.

Suivant les préceptes du Lean Startup, Guillaume émet deux hypothèses de modèle économique. Le premier modèle que Guillaume a testé est celui du recrutement : il veut tester un service de mise en relation avec des experts afin d’aider des entreprises à recruter. Ces experts auront pour rôle de valider les compétences des candidats (et uniquement celles-ci), ce qui est souvent difficile quand on embauche. Guillaume pense alors que :

  • Les entreprises gagneraient beaucoup à s’assurer que la décision de recrutement est prise dans les meilleures conditions sur l’aspect le plus rationnel que sont les compétences-métier,
  • En même temps, le recruteur ne dispose pas toujours des compétences pour s’assurer de la qualité technique des candidats : ainsi, un manager d’équipe n’est pas toujours compétent pour juger de la capacité opérationnelle des candidats pour de multiples raisons :
    • L’entretien de recrutement ne permet pas de voir le candidat à l’œuvre dans des conditions de production réelle
    • La compétence du manager est avant tout une compétence de management d’équipe et non une compétence opérationnelle portant sur le métier du candidat

C’est pourquoi, Guillaume a voulu mettre à disposition son service d’experts en ciblant le marché du recrutement. Voici donc l’hypothèse de modèle économique qui était la sienne. Celui-ci s’appuie donc sur les éléments suivants :

  • Ses clients sont les recruteurs
  • La proposition de valeur consiste à minimiser le risque d’erreur de recrutement

On peut trouver ci-dessous une représentation du modèle économique. Celui-ci s’inspire du « Lean Canvas » d’Ash Maurya, lequel est fortement inspiré du Business Model Canvas d’Alexander Osterwalder.

Le "Lean Canevas" du premier modèle économique d'Expert Council
Représentation approximative du “Lean Canevas” du premier modèle économique d’Expert Council

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Dans un prochain article, j’évoquerai les tests que Guillaume a conduit pour vérifier la viabilité du modèle économique qu’il a imaginé.

 

Lectures complémentaires

  • Pour se familiariser avec le concept de Lean Startup et voir en quoi il diffère de la simple startup, se diriger vers cet article.
  • Pour une plongée dans l’univers des télécoms en France avec Pierre Schaller, SVP nouveaux produits chez Bouygues Télécom, voir ce billet.
  • Pour l’explication en détails de la théorie du Lean Canvas par Ash Maurya, consulter cette page sur le blog de ce dernier.
  • Pour un aperçu en quelques chiffres de la façon dont Free a bouleversé le marché des télécoms, lire ce papier.

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